Challenge AZ : Lettre O comme Ouvrage
Le mot ouvrage peut avoir plusieurs définitions, voici ce que dit le Larousse à ce sujet :
– Action de travailler, de mettre en œuvre ; travail, tâche.
Définition du mot « ouvrage » d’après le Larousse
– Produit du travail de l’artisan ou de l’artiste.
– Travail d’aiguille, de dentelle, de crochet, etc.
– Production littéraire, texte écrit.
– Livre.
Je vous propose aujourd’hui de regrouper le livre, l’action de travailler et les travaux d’aiguilles grâce à un livre transmis dans ma famille depuis plusieurs générations.
La jeune ménagère
Imaginez-vous être une jeune fille d’une dizaine d’années en 1905. Vous allez à l’école, parfois en pensionnat de jeunes filles lorsque vous avez la chance d’appartenir à une famille aisée, mais qu’y apprenez-vous ? A lire et à écrire bien sûr, à calculer probablement, mais votre programme est également marqué par l’époque. On ne vous prépare pas à un métier, la plupart des femmes restent à la maison pendant que le mari part travailler. La société vous voit donc comme une future femme au foyer, n’y voyez surtout rien de péjoratif c’est tout à fait normal.
Votre rôle ? Tenir la maison, au sens large du terme. Il ne s’agit pas seulement de faire le ménage, la cuisine et les courses. Non ! Vous devrez également vous occuper des enfants mais aussi de la comptabilité et des différents papiers. Heureusement pour vous et votre professeur, un livre explique parfaitement tout ce qu’il vous faut savoir pour devenir une parfaite ménagère.
Voici un extrait de la lettre de M. CARRÉ, inspecteur général honoraire de l’enseignement primaire, publiée dans l’introduction de l’ouvrage :
« […] Votre petite Marie ne sera pas seulement une jeune fille sachant faire la cuisine et tenir un ménage ; elle sera aussi et avant tout l’âme du foyer, puisqu’elle saura faire qu’on l’aime et qu’on s’y plaise. Puissent nos écoles former beaucoup de jeunes filles qui lui ressemblent. […]«
Extrait de l’introduction du livre « La jeune ménagère », Julie SEVRETTE, Larousse, 1905
Ce livre est donc parfaitement représentatif de ce que l’on attend de vous à l’âge adulte. Mais vous êtes encore jeune, un ouvrage purement théorique serait sûrement trop rébarbatif pour vous. C’est pourquoi l’auteur a découpé le manuel en 38 chapitres dans lesquels vous découvrirez l’histoire de Louise, domestique à Paris, veuve depuis 12 ans et mère d’une petite Marie (de votre âge environ), qui reçoit une maison en héritage. La maison est en bien piètre état, c’est pourquoi elle va en profiter pour apprendre à sa fille à la remettre en ordre. A la fin de chaque chapitre, vous pourrez retrouver les notions importantes à retenir.
Avec Marie, vous apprendrez donc ce qu’est une armoire bien rangée, comment balayer une chambre, dresser une table et cuisiner un bon ragoût, comment tricoter, raccommoder et faire du crochet, ainsi que les soins à apporter aux nouveau-nés.
Mais également comment tenir des comptes et gérer le budget de votre futur ménage ainsi que des notions plus générales de droits et d’assurances.
Bien sûr une liste de recettes vous permettra de satisfaire de manière diversifiée l’appétit de votre futur époux. Cette dernière vous sera d’autant plus utile qu’elle vous aidera à éloigner l’alcoolisme de votre foyer !
« Les mesures capables d’enrayer l’alcoolisme sont du domaine de la morale seule.
Extrait du livre « La jeune ménagère », Julie SEVRETTE, Larousse, 1905
L’alcoolique, en buvant, cherche moins un plaisir matériel que l’oubli de ses misères présentes, vraies ou imaginaires. C’est donc aux femmes plus qu’aux médecins qu’il appartient de détruire l’alcoolisme.
Un intérieur propre, une cuisine appétissante, un visage souriant, beaucoup de bonne humeur, des enfants bien tenus : le foyer domestique aura vaincu le cabaret.«
Intérêt généalogique
Laissons maintenant votre double, jeune fille de 1905, pour revenir au présent. Bien sûr cet ouvrage paraît complètement désuet et démodé au vu de notre mentalité. Mais c’est un très bon reflet de ce qu’était la société de l’époque. De comment la façon dont étaient formés les enfants d’alors qui deviendront adultes lors de la Première Guerre Mondiale.
Si ce livre ne s’adresse qu’aux filles, il les prépare à devenir de parfaites Françaises, fières d’aider leur patrie par la tenue irréprochable de leur foyer et à donner de beaux enfants à leurs époux, mais surtout à la France.
Le manuel est parsemé de réflexions patriotiques :
« Oh ! chère petite Française, comme tu aurais bien mérité de la patrie, si par amour et par adresse, tu arrivais à faire de la maison paternelle un nid réchauffant et confortable d’où l’on ne sortirait que pour aller au travail ! »
« Elle aperçut Mohon, la florissante cité du fer, passa sous un court tunnel, vit à gauche Mézières avec sa belle église du XVe siècle, bombardée en 1870 par les Prussiens. Louise se rappelait avec une émotion poignante la terreur de la population quand une pluie de feu et de fer s’abattit sur la ville, détruisant les maisons et ensevelissant au fond des caves les familles qui s’y étaient réfugiées. »
« L’amour du pays [référence à Charleville, ville dont Louise est originaire] est inné chez l’homme. Mille liens mystérieux l’y rattachent. C’est la petite patrie au milieu de la grande ».
Extraits du livre « La jeune ménagère », Julie SEVRETTE, Larousse, 1905
Quelques chapitres ont retenu mon attention de généalogiste :
- Les actes de l’état civil
- Le conseil de famille
- Les dangers de se marier sans contrat
Je ne m’attendais pas à tomber sur ces sujets dans un livre pour petites filles. Et même s’ils ne m’ont pas apporté de nouvelles informations dans ma pratique de la généalogie, je les ai lus avec attention.
Cet ouvrage publié dans le premier quart du XXe siècle et actualisé au fil de ses éditions successives contient une mine d’informations sur la vie de l’époque tant sur les plans historique que sociologique, à travers le prisme de la condition féminine. Ce n’est pas pour rien qu’il a été récemment réédité par la BNF.
magnifique
Merci beaucoup !
Cela nous fait sourire aujourd’hui ! C’est tellement loin de notre parcours.
belle représentation de la vie au XIXè siècle…et quelle surprise pour les hommes partis au front lors de la 1ère guerre mondiale, de découvrir tout ce que femme pouvait faire sans jamais l’avoir appris dans ses livres de bonne tenue’.
Exactement. Certains conseils contenus dans ce livre ont traversé le temps, par exemple : ne jamais laisser ses pieds refroidir, c’est comme ça que l’on tombe malade ! Je ne compte plus le nombre de fois où ma grand-mère m’a dit de mettre des chaussons pour cette raison…
Très intéressant! je me souviens avoir trouvé avec stupéfaction au grenier ce genre de manuel avec lequel ma mère avait étudié dans les années 40. Celui-ci est particulièrement intéressant ( et « pervers » ;>) avec sa forme romancée, et en effet, ça donne des informations sur l’ambiance de l’époque. Bel article!
Merci beaucoup ^^
Excellent billet, toute une époque
Je suis étonnée des articles juridiques
Et histoire de chipoter sur le rangement de l’armoire, les choses lourdes comme les draps doivent être en bas, conseil de ma grand-mère !
Et bien étonnement Louise conseille à sa fille de les ranger en haut, allez savoir pourquoi. J’ai également été très étonnée de trouver autre chose que des sujets sur la tenue du ménage.
Quelle mine d’informations, ce livre. Je ne connaissais pas du tout, mais j’ai lu avec grand intérêt votre article.
Merci beaucoup pour votre intérêt ^^ Ce livre est passionnant pour mieux comprendre la mentalité de nos ancêtres.
Merci beaucoup
Article très intéressant pour retracer la vie des femmes au début du siècle dernier. Peut-on en savoir plus sur les chapitres consacrés aux actes d’état-civil, aux contrats de mariage ?
Pour le chapitre sur l’Etat-civil il est disponible sur la première vignette sous : « Les actes de l’état civil
Le conseil de famille
Les dangers de se marier sans contrat »
Il explique qu’il est dressé en deux exemplaires, un pour la mairie et l’autre pour les greffes. Il explique également le délais pour déclarer une naissance (3 jours) et un décès (le jour même) au delà duquel on est passible d’une amende. Le nombre de témoins requis pour chaque acte est également précisé, et qu’il n’est pas possible d’obtenir l’acte original, mais seulement une copie ou un extrait.
Pour ce qui est du chapitre sur le contrat de mariage, on peut lire l’histoire une veille femme récemment devenue veuve, mariée sans contrat, qui se voit « dépouiller » de la moitié de ses biens par ses enfants, gendres et brus et qui n’a plus de quoi vivre car elle n’avait pas pris la peine de faire un contrat de mariage. On y apprend qu’il coûte 0.75fr par centaine de francs déclaré lors du contrat. La partie suivante est une discussion expliquant de façon succincte les trois types de régime : séparation des biens, dotal ou régime de la communauté. Je peux vous envoyer des photos si vous le souhaitez.
Très intéressant ! J’adore l’art de ranger une armoire ! Ca me rappelle celle de ma grand-mère….