Challenge AZ : Lettre U comme la cession agricole d’Urbain MEUNIER
Nous avons tous un nombre astronomique d’ancêtres cultivateurs ou propriétaires d’une petite exploitation agricole. Souvent transmises de père en fils, ces cultures faisaient parfois l’objet de ventes/cessions devant notaire. C’est sur ces documents que je vais m’attarder aujourd’hui afin de mieux comprendre la vie de nos ancêtres agriculteurs.
Ces actes sont bien sûr réalisés par les notaires et sont donc à rechercher dans leurs minutes.
J’ai choisi de prendre l’exemple de Jean Urbain MEUNIER, le père ou le fils, comme il vous plaira puisqu’ils se nomment tous deux de la même manière. La cession a eu lieu le 16 juin 1874, ce qui nous donne une bonne idée de ce que pouvait être une exploitation de taille standard dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Petite présentation des protagonistes
Jean Urbain MEUNIER père n’est pas un inconnu sur ce blog. Il s’agit en effet du fils de Marie Louise Séraphine CHALOT et donc du demi-frère de Jean François Irène CHALOT qui avait été privé d’héritage.
Né le 11 février 1811 à Ver-sur-Launette dans l’Oise, il devient marchand de chevaux comme son père et étend son domaine d’activité en devenant cultivateur. Il se marie le 31 juillet 1838 à Montagny-Sainte-Félicité avec Rose Hortense DUBOIS. Ils emménagent tous deux à Ver et ont 4 enfants : deux filles et deux garçons. Emile, le premier reprend la partie équine de l’activité, tandis que Jean Urbain « Junior », le second, se concentre sur l’agriculture.
Le deuxième fils épouse Louise Sidonie Laure BRUYER à Ver-sur-Launette le 11 avril 1874 et petite anecdote, il a lui aussi un fils prénommé Jean Urbain le 20 mai 1875…
Deux mois après son mariage, son père lui cède officiellement son activité.
Le père et le fils se rendent donc chez Maître VRAMANT, notaire à Baron, le 16 juin 1874, afin d’effectuer la cession. Celle-ci se divise en deux étapes :
- La cession agricole en tant que telle ;
- La cession des baux pour permettre de continuer l’exploitation des champs loués par le père.
Cession agricole
La cession agricole comprend une description assez précise des biens inclus dans l’exploitation que ce soit au niveau des terres dont le père est propriétaire ou des outils :
- 18 pièces de terre d’une contenance totale de 2 hectares, 91 ares et 91 centiaires pour un prix de 236 francs et 83 centimes. Pour chaque terrain le notaire indique la quantité de fumier, dont l’estimation totale est de 512,46 francs. On apprend aussi que la principale semence dans ces champs est le blé, le seigle ne représentant qu’une toute petite partie des graines, le tout estimé à 277,20 francs.
- Les actions déjà effectuées pour l’année sont également prises en compte dans le prix de cession comme le labour, l’engrais, la luzerne et trèfle semés et le marnage qui consiste à ajouter au sol des amendements calcaires, portant le total à 2023,74 francs.
- Le labours et l’ensemencement d’avoine ayant déjà été réalisés, ils sont comptés à part pour un montant de 677,40 francs.
Mais le plus parlant pour nous ce sont les outils, voici ceux inclus dans la cession du père à son fils :
- Deux herses ordinaires et leurs encoches ;
- Une charrue en fer et deux socs ;
- Un rouleau brisé ;
- Un tombereau tout monté ;
- Une voiture ;
- Une grosse herse en fer ;
- Un chable (câble) en corde ;
- Une sellette, une ovalaire, une dossière et autres objets ;
- Une charrue en bois ;
- Quatre paires de traits de charrue ;
- Deux paires de gros traits ;
- Un tarare (vanneuse) dans le grenier ;
- Une bascule et ses poids ;
- Un chargeoir et une boîte ;
- Paille se trouvant dans la cour et dans l’écurie ;
- Fumier se trouvant dans la cour ;
- Graines de trèfle.
Le tout étant estimé à 744,50 francs, portant le prix définitif de la cession agricole à 3445,64 francs.
Si la jouissance officielle des biens décrits ne commence qu’à la signature de l’acte, le fils en a déjà pris possession par « la remise et la tradition réelle qui lui en a été faite par M. MEUNIER père« .
Une première partie de 2945,64 francs est réglée immédiatement, le fils promettant de solder les 500 francs restant après le 24 décembre de la même année, date à laquelle sa femme atteindra sa majorité et pourra toucher son compte de tutelle, estimé à 400 francs environs ainsi que 100 francs à prélever sur la dot.
Cette somme sera réglée comme convenu le 8 janvier 1875.
Cession de baux
Le père et le fils passent ensuite à la cession des baux pour les pièces de terres louées par le père. L’intérêt de ce document est de connaître la surface du terrain dont il a besoin (en plus des 2 hectares et 91 ares dont il est propriétaire) pour faire fonctionner son exploitation, ainsi que les noms de ses bailleurs.
J’y apprends que Jean Urbain MEUNIER père louait 10 hectares 97 ares et 73 centiares à six personnes pour un total de 725 francs par an. Son fils lui a donc versé 200 francs pour avoir la succession de ces baux. N’ayant pas reçu l’accord de tous les bailleurs, le père s’est cependant engagé à lui reverser une partie de la somme pour compenser les pertes pour le cas où il ne l’obtiendrait pas.
C’est deux actes de cessions nous donnent une meilleure idée de ce qu’était le métier de cultivateur dans la seconde moitié du XIXe siècle. La transmission d’une exploitation ne coulait visiblement pas de source, même lorsqu’il s’agissait du père et de son fils. Je ne suis pas certaine que ce genre de cessions était monnaie courante et qu’elles n’aient été réalisées que pour prévenir la succession de Jean Urbain MEUNIER père. Je n’ai pas encore pu voir s’il avait effectué la même opération pour son activité de marchand de chevaux avec son premier fils, mais c’est une piste qu’il ne faudra pas négliger pour confirmer cette hypothèse.