Challenge AZ : Lettre F comme conseil de Famille
Les conseils de famille constituent un outil précieux pour les généalogistes. Ils permettent d’avoir une sorte d’instantané de l’entourage du mineur. Le conseil est convoqué lors du décès d’un des deux parents afin de choisir un subrogé tuteur. Celui-ci est toujours choisi dans la branche du parent décédé, son rôle est de s’assurer que le mineur ne soit pas lésé lorsqu’il y a risque de conflit d’intérêt avec le tuteur légal. Le conseil peut également être rassemblé pour décider s’il faut accepter ou refuser une succession dont l’enfant est héritier, le tuteur ne pouvant le faire sans l’aval de la famille, mais aussi lorsque le mineur souhaite se marier, la mention du conseil étant alors visible sur l’acte de mariage.
Un conseil de famille est normalement composé de trois personnes de la branche paternelle et trois du côté maternel. Les membres de la famille sont convoqués dans l’ordre de proximité de lignage, les parents sont préférés aux alliés et si possible dans un périmètre de moins de 2 myriamètres (20 Km). Lorsque ce n’est pas possible on recherche des parents plus éloignés géographiquement et lorsqu’il n’y a pas suffisamment de parents vivants on fait appel aux amis de la famille. Il est également demandé que les membres du conseil de famille soient en « bon terme » avec l’enfant.
Il se déroule devant un notaire ou un juge de paix, on retrouvera donc sa trace dans les archives de la justice de paix section U.
Exemple de LE BOUTEILLER Raoul Léon
Raoul Léon LE BOUTEILLER est mon arrière-grand-père. Né le 22 mars 1901 à Mortefontaine (Oise), il est le fils unique d’Alfred Victor LE BOUTEILLER et Alice Marguerite CHALOT dont je vous ai déjà parlé dans mon projet 16AAGP.
Sa mère décède le 22 juin 1906 à Montrouge, son père devient alors son tuteur « légal et naturel ». Afin de pouvoir accepter l’héritage pour son fils et valider que Raoul n’est pas lésé (Alfred étant aussi héritier de sa femme), un conseil de famille est convoqué le 8 août 1906 à Montrouge afin de désigner un subrogé tuteur.
Conseil de famille du 8 août 1906
Le couple étant originaire de Saint-Lô, pour lui, et de Mortefontaine, pour elle, aucun membre de la famille proche ne se trouve à moins de 20 km, il faut donc s’éloigner pour retrouver des parents proches.
Sont finalement venus :
- Du côté paternel :
- Louis Léon GODIN, oncle par alliance de Raoul, propriétaire, habitant rue Alexandre Fournier à Château-Gontier.
- Émile DUBOIS, garde-champêtre à Montrouge, représentant par procuration : Symphorien Auguste SIMONET, grand-oncle par alliance de Raoul, habitant également à Château-Gontier.
- Marie François MARGARON, grand-oncle par alliance, mécanicien résidant rue Haut-Torteron à Saint-Lô.
- Du côté maternel :
- Françoise Joséphine CHÉRON, dite Marie, grand-mère de Raoul, habitant 8 rue de Louvres à Mortefontaine.
- André CHARRON, clerc de notaire à Montrouge, représentant par procuration Joseph BRANCART, oncle par alliance, boucher à Mortefontaine.
- Edmond Pierre Alexandre CHEVANCE, oncle par alliance, boucher habitant à Crépy-en-Valois.
On retrouve les métiers et lieux de résidence des membres de la famille, ce qui peut permettre de compléter des branches. Dans mon cas, j’ai découvert l’oncle SIMONET, j’ai ainsi pu retrouver son mariage avec Maria Virginie Marie GODIN (grand-tante de Raoul) dont je n’avais que l’acte de baptême. On peut voir la signature des individus présents, mais également celles des absents grâce aux procurations annexées au dossier.
C’est la grand-mère maternelle de Raoul qui est nommée subrogée tutrice et Louis Léon GODIN subrogé tuteur ad hoc.
Ce dernier n’est désigné qu’en cas de décès ou d’impossibilité du tuteur légal pour un cours laps de temps. En effet le subrogé tuteur « officiel », ici Françoise Joséphine CHÉRON, deviendrait alors tuteur officiel, il faut donc qu’un membre de la branche paternelle puisse s’assurer que les intérêts de l’enfant soient garantis le temps qu’un nouveau tuteur ou subrogé tuteur soit désigné par un nouveau conseil de famille.
Décision est ensuite prise d’accepter pour Raoul, la succession de sa mère.
Conseil de famille 2 novembre 1916
Le deuxième conseil de famille réuni pour Raoul a lieu en pleine Première Guerre Mondiale, le 2 novembre 1916, à la suite du décès de Françoise Joséphine CHÉRON, subrogée tutrice et grand-mère du garçon. Elle décède le 14 novembre 1915 à Montrouge, il faut donc nommer un nouveau subrogé tuteur. Le contexte particulier de l’époque semble avoir joué un rôle dans le retard pour convoquer le conseil. Les hommes étant en grande majorité sur le front et les transports n’étant pas garantis pour les autres, difficile de réunir six membres de la famille n’habitant pas la même région.
Sont présents ce jour-là :
- Du côté paternel :
- Emile MERVIN, clerc de notaire à Paris, représentant par procuration Louis Léon GODIN.
- Henri DESCOUTURES, employé à Gentilly, représentant par procuration Alphonse MARGARON, actuellement sapeur au groupe d’éclairage, quartier général de l’armée. Sans doute fils de Marie François MARGARON présent au premier conseil de famille, mais sans certitude.
- André THYVIN, clerc de notaire à Paris, représentant par procuration Alfred LATOUCHE-BOUREL, ingénieur à Château-Gontier, ami appelé à défaut de parents dans cette ligne.
- Du côté maternel :
- Léon BRANCART, rentier à Plailly, frère de Joseph BRANCART présent lors du premier conseil, qu’il représente par procuration.
- Auguste LAMBERT, retraité militaire demeurant à Paris, représentant Edmond CHEVANCE.
- Charles MENARD, employé demeurant à Montrouge, ami appelé à défaut de parents dans cette ligne.
Finalement, le seul membre de la famille présent à ce conseil est Alfred Victor LE BOUTEILLER. Le document me permet d’en apprendre plus sur l’affectation de mon ancêtre à cette période, on peut lire :
« M. Alfred Victor LE BOUTEILLER, marchand boucher demeurant à Montrouge, Grande rue n°25, actuellement mobilisé comme officier d’administration de 1ère classe, au parc à bétail de Lisieux (?) »
Comme lors du précédent conseil, la première partie consiste à désigner le subrogé tuteur qui remplacera Françoise Joséphine CHÉRON. C’est Léon BRANCART qui est nommé à ce poste. Pourquoi lui plutôt que Joseph qu’il représente ? Je n’en ai aucune idée.
La seconde partie vise à accepter pour Raoul l’héritage de sa grand-mère, ce qui a dû être rapidement fait.
Quelles recherches effectuer ensuite ?
Il n’y a visiblement pas eu besoin de réunir le conseil de famille par la suite. Outre les informations obtenues sur les liens, métiers et résidences des membres de la famille, la confirmation du nom du tuteur est un indice important pour la suite des recherches. Dans le cas présent, son identité n’était pas un mystère, le père étant toujours vivant, mais dans le cas d’enfant orphelin de père ET de mère, le conseil de famille est un document incontournable pour retrouver son nom. Cette information permet par la suite de retrouver les comptes de tutelle, normalement remis à l’enfant à sa majorité. Voici une vidéo d’Archives & Culture pour en savoir plus sur leur recherche :
Je n’ai pas encore pu retrouver celui de Raoul mais je ne désespère pas d’y arriver lorsqu’il sera plus facile de se rendre aux Archives.
Je remercie tout particulièrement Nathalie des Archives Départementales des Hauts-de-Seine pour avoir débusqué ces deux conseils de famille alors que les fonds n’étaient pas accessibles aux lecteurs.
Encore des actes particulièrement intéressants ! J’ai aussi eu la chance d’en trouver quelques uns.
Quel travail ! Je suis bien contente quand je suis parvenue à aligner 10 phrases alors je suis admirative d une telle étude en profondeur. Il faut que je vérifie dans mes archives je crois en avoir un, également.
Amitié
Pas sûr d’arriver à analyser autant toutes les sources pour ce challenge ^^ Merci pour ce commentaire.
Beau travail en effet ! une petite correction: un des représentants au deuxième conseil de famille est Alfred LATOUCHE-BOUREL, et non pas LABUCHE … C’est mon arrière-grand-père !
Oh mais c’est génial ! Je corrige ça tout de suite, petit problème de lecture de l’acte visiblement, je suis désolée. Avez-vous connaissance d’un lien entre votre arrière-grand-père et la famille GODIN/LE BOUTEILLER ?