Challenge AZ lettre P comme Marie Louise Aglaé PARFAIT
Lettre P comme Marie Louise Aglaé PARFAIT et Louis François Georges CHÉRON, leur contrat de mariage
Je vais profiter de la lettre du jour pour aborder un type de document que je n’ai pas encore eu l’occasion d’évoquer : le contrat de mariage. C’est une grande source d’informations sur les conditions de vie et sur les possessions du couple juste avant leur mariage.
Pour illustrer mon propos, j’ai choisi d’utiliser le contrat réalisé lors du remariage de mon ancêtre Louis François Georges CHÉRON (dont je vous ai déjà parlé dans la lettre L) avec sa deuxième femme, Marie Louise Aglaé PARFAIT.
Comment retrouver un contrat de mariage ? A partir de 1850 il est (normalement) systématiquement indiqué sur l’acte de mariage s’il existe un contrat ou non. Si c’est le cas, le nom du notaire ainsi que la date à laquelle il a été passé sera également inscrit. En revanche, s’il s’agit d’un mariage avant 1850, il faudra se référer aux tables des contrats de mariages disponibles aux Archives.
Le couple CHÉRON-PARFAIT se marie le 5 Janvier 1856 à Ver-sur-Launette, voici ce qu’on peut lire sur l’acte de mariage :
[…] nous avons aussi interpellé les futurs époux ainsi que la mère de l’épouse pour qu’ils aient à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage ; sur leur réponse affirmative et la présentation du certificat de Me Louis Charles Denis FRANCHE, notaire au Plessis-Belleville, de ce canton, qui atteste que ce contrat a été passé devant lui en minute ce jourd’hui à quatre heures du soir, […]
Transcription de l’acte de mariage de Jean François Georges CHÉRON et Marie Louise Aglaé PARFAIT
Les époux sont tous les deux veufs, lui de Marie Françoise Joséphine LEFEVRE avec laquelle il a 7 enfants, dont 6 sont encore vivants le jour du mariage, et elle de Laurent Louis Désiré FAUVELLE avec lequel elle n’a pas eu d’enfant. C’est sans doute pour protéger la futur épouse au cas où elle survivrait à son mari, ainsi que l’héritage des enfants issus du premier lit de celui-ci que le contrat de mariage a été passé. Une chance pour moi, les archives de ce notaire n’ont pas été détruites, j’ai ainsi pu me procurer l’original du document pour pouvoir l’étudier.
On retrouve en premier lieu les informations sur les futurs époux :
Ont comparu :
Mr Louis François Georges CHÉRON, cultivateur, demeurant à Loisy, commune de Ver, aussi canton de Nanteuil le Haudouin
Veuf en premières noces, avec six enfants, de dame Marie Françoise Joséphine LEFEVRE, son épouse, décédée audit Loisy, le vingt-neuf Septembre mil huit cent quarante trois.
Stipulant et contractant pour lui en son nom personnel
D’une part
Et Madame Marie Louise Aglaé PARFAIT, manouvrière, demeurant aussi à Loisy, commune de Ver.
Veuve en premières noces, sans enfant, de Mr Louis Désiré FAUVELLE, en son vivant manouvrier demeurant audit Loisy, où il est décédé, le dix-sept Jeanvier mil huit cent cinquante-quatre.
Stipulant et contractant pour elle et en son nom personnel
D’autre part.
Transcription du contrat de mariage CHÉRON-PARFAIT
Se trouve ensuite indiqués la date et le lieu du mariage ainsi que le régime choisi par les futurs époux, ici le régime de la communauté. Puis vient l’apport personnel des deux époux :
Article trois
Apport du futur époux
Le futur époux apporte en mariage et se constitue personnellement en dot.
1ent Les habits, linge et hardes à son usage personnel et ses meubles meublant : le tout d’une valeur fixée entre les parties à la somme de cinq cents francs.
2ent Son attirail de culture, grains, fourrage, chevaux, bestiaux, troupeau, voiture, objets et instruments aratoires [qui servent à travailler la terre], labours, fumiers et ensemencements : le tout d’une valeur fixée aussi entre les parties à la somme de dix mille six cent soixante cinq francs.
3ent Son droit, pour le temps en restant encore à courir, à différents baux et locations faits à son profit, par divers, d’immeubles sur Ver et Othis contenant environ douze hectares cinquante ares.
4ent Une maison, bâtiment et dépendances sise à Loisy au milieu du hameau et la quantité de deux hectares vingt-un ares quarante-cinq centiares de terre, en sept pièces sise terroir de Ver ; le tout appartenant en propre à M. CHÉRON, futur époux, et lui provenant tant d’un acte de donation et partage devant Me DELAGRANGE, notaire à Dammartin du quinze Mai mil huit cent trente-un que d’acquisitions faites pendant son veuvage.
5ent Enfin ses droits mobiliers et immobiliers non encore liquidés dans la communauté qui a existé entre lui et sa première femme, lesquels se trouvent constaté par l’inventaire fait après le décès de cette dernière par Me MICHELET, notaire à Senlis, en date au commencement du treize Mars mil huit cent quarante quatre.
Faisant observer, le futur, que les seuls immeubles de cette communauté consistent dans deux hectares soixante dix huit ares quatorze centiares de terre en sept pièces sise terroir de Loisy commune de VER.
Le tout grevé tant des comptes de tutelles que le futur époux aura à rendre à ses enfants, que d’une somme principale de quinze cent francs ainsi qu’il le déclare.
Duquel apport le futur époux à donné connaissance à la future épouse qui le reconnait.
Article quatre
Apport de la future épouse
La future épouse apporte aussi en mariage et se constitue personnellement en dot :
1ent Ses habits, linge et hardes et ses meubles meublant, effets et objets mobiliers : le tout étant en sa possession, d’une valeur, fixée entre les parties à la somme de trois cents francs.
2ent Une somme de soixante dix francs en deniers comptant.
3ent Et une maison, bâtiment, jardin et dépendances, située à Loisy en la grande rue, et la quantité de quarante cinq ares vingt-deux centiares de jardin et terre en cinq pièces, située terroir de Ver : le tout lui appartenant en propre au moyen de l’acquisition qu’elle en a faite, suivant le contrat devant le notaire soussigné en date du six juin dernier enregistré.
Duquel apport qui se trouve grevé d’un passif de soixante-neuf francs soixante centimes, la future épouse a donné connaissance au futur époux qui le reconnait, et consent à en demeurer chargé par le seul fait de la célébration du mariage.
Transcription contrat de mariage CHÉRON-PARFAIT
On peut observer que l’époux apporte beaucoup plus au ménage que l’épouse, mais c’est en grande partie dû aux outils et bêtes utiles à son activité de cultivateur. Jean François CHÉRON est donc propriétaire d’une partie des terres qu’il cultive et en loue visiblement une autre partie. Il doit également embaucher des manouvriers du village pour l’aider aux travaux agricoles.
On apprend ensuite que seuls les biens acquis pendant le mariage seront inclus dans la communauté, tout ce qui a appartenu avant cette date aux époux leur reviendront (à eux ou à leurs héritiers respectifs) lors de la dissolution de celle-ci. Voici ce qui est inclus dans le préciput [Droit reconnu à une personne, notamment à l’époux survivant, de prélever, avant tout partage, une somme d’argent sur certains biens de la masse à partager].
Article sept
Préciput et augment de préciput
Le survivant des futurs époux prendra, à titre de préciput, avant le partage des biens meubles de la communauté, un lit garni, à son choix.
Et si c’est la future épouse qui survit elle reprendra en outre, à titre d’augment de préciput, ses bagues, bijoux, joyaux et dentelles.
Transcription du contrat de mariage CHÉRON-PARFAIT
Enfin sont indiqués les donations faites par les époux au survivant :
- Monsieur CHÉRON donne à sa femme si elle lui survit, une rente annuelle et viagère de 50 francs à partir de son décès et jusqu’à la fin de la vie de Marie Louise Aglaé.
- Madame PARFAIT donne à son mari si elle décède en premier, l’universalité de ses biens meubles et immeubles en usufruit. Il pourra donc en jouir jusqu’à la fin de sa vie à la seule condition qu’inventaire en soit fait.
Suivent enfin les signatures des parties, notaire et témoins.
C’est ainsi que les termes du mariage de ce couple ont été décidés. Ce sera finalement Marie Louise Aglaé PARFAIT qui décèdera la première, le 3 Mai 1872, sans enfant. Jean François CHÉRON a donc pu profiter de l’usufruit des biens de sa femme jusqu’à sa mort, le 18 Novembre 1878.
Je vous retrouve demain pour la prochaine lettre du challenge.