Challenge AZ : Lettre A comme Assises ou Arsenic

1 novembre 2020 35 Par elodie

Marie Marguerite Valentine CHÉRON l’empoisonneuse

Présentation de Marie Marguerite Valentine CHÉRON

Marie Marguerite Valentine CHÉRON voit le jour le 9 juin 1818 à Mortefontaine-en-Thelle (Oise). Fille unique de Nicolas CHÉRON et Marie Marguerite LEFORT, elle exerce rapidement le métier de boutonnière comme presque toutes les jeunes filles du village. En effet, la commune est limitrophe de Méru, connue pour ses ateliers de fabriques d’objets en nacre en particulier de boutons.

C’est à l’âge de 17 ans qu’elle rencontre son futur époux : Jean Charles DESJARDINS. Il est originaire de Belloy en région parisienne, de 5 ans son aîné et exerce le métier de charretier. Sans doute conduit-il la nacre du port du Havre aux villages des environs. Les deux jeunes gens se marient le 3 novembre 1835. Ils auront six enfants entre 1837 et 1849, mais rapidement leur couple bat de l’aile.

Profitant des absences de son mari, parti sur les routes pour son métier, Valentine tombe sous le charme d’un autre jeune homme de sa commune : Louis Pierre Désiré DUBUS. Il est déjà marié et exerce la profession de boutonnier, peut-être est-ce d’ailleurs dans la fabrique que les deux amants ont pu se rapprocher. Leur idylle ne passe pas inaperçue dans le village et les rumeurs vont bon train. Depuis combien de temps la liaison dure-t-elle ? Les enfants du couple DESJARDINS-CHÉRON sont-ils vraiment légitimes ?

Humilié par cette situation, Jean Charles décide de sévir et, comme le prévoit la loi à l’époque, porte plainte contre sa femme pour adultère et contre son amant pour complicité en mars 1849.

Première condamnation : 22 mars 1849

Les deux amants sont reconnus coupables. Elle d’adultère et lui de complicité d’adultère. Ils écopent tous deux d’un an de prison et de 100 francs d’amende pour Louis Pierre Désiré.

Il semble que les deux amants se soient faits prendre ensemble au début du mois. A moins que Marie Marguerite Valentine CHÉRON ne se soit trahie en étant enceinte…

Jean Charles DESJARDINS, sans doute pris de remords, fait libérer sa femme, comme le loi le lui permet à l’époque. En revanche l’amant reste en prison. Il semble lui pardonner mais décide, par précaution, de changer d’emploi pour devenir boutonnier. Peut-être aurait-il mieux fait de laisser sa femme où elle était…

L’empoisonnement

Le 18 septembre 1849 naît la petite Elise dans la maison familiale au carrefour derrière l’Eglise. Est-elle réellement la fille de Jean Charles ? Rien n’est moins sûr, mais l’homme fait mine d’ignorer la situation et part déclarer l’enfant à la mairie.

Maison de Marie Marguerite Valentine Chéron - Carrefour derrière l'Eglise
Carrefour derrière l’Eglise, Mortefontaine-en-Thelle

Un mois plus tard, le 17 octobre, Jean Charles est pris de violents maux de ventre après avoir mangé une soupe de bœuf préparée par sa femme. Il est dans l’incapacité de garder quelque nourriture que ce soit, ne boit que le vin que Valentine lui apporte. Ses amis et voisins viennent alors prendre de ses nouvelles. Il ne semble pas plus inquiet que ça. En effet quelques temps auparavant, il avait déjà eu les mêmes symptômes qui avait ensuite disparus.

Mais après 6 jours d’agonie, Jean Charles DESJARDINS rend son dernier souffle dans le lit aux rideaux clos pour l’occasion. Le médecin prévenu trop tard ne manque pas de trouver suspect. De plus les voisins sont incrédules face à cette mort rapide et sans raison connue… Une enquête est alors diligentée.

Condamnation par la cours d’Assise

Après 5 mois d’instruction, Marie Marguerite Valentine CHÉRON est conduite devant la cours d’Assise de l’Oise. L’autopsie de son mari a montré un empoisonnement à l’arsenic ! Les témoins en profitent pour l’accabler encore plus, en particulier la fille du maire : Césarine PETIT, femme DUVAL, ancienne amie proche de l’accusée.

Elle mentionne en effet les confidences de Valentine à sa sortie de prison. Celle-ci aurait prémédité l’empoisonnement, ne supportant pas de rester avec son mari et le haïssant d’avoir fait emprisonner son amant. Elle ajoute que la meurtrière aurait voulu se débarrasser d’un enfant en 1848, qu’elle lui aurait demandé de l’aide, que Césarine avait bien sûr refusée.

Il se trouve que Valentine a accouché, le 2 juin 1848, d’une petite Adeline Modeste, décédée sept jours plus tard. Il serait facile d’imaginer qu’elle a pu commettre un infanticide au vu des déclarations de son ancienne amie. Mais le Tribunal ne retiendra pas cette accusation.

Alors qu’elle se défend d’avoir préparé la soupe de son mari, arguant qu’il lui avait fait part de son intention de se suicider, son propre fils, Isidore Aimé, alors âgé de 12 ans, dément. Il confirme que c’est bien Valentine qui a cuisiné cette fameuse soupe.

Marie Marguerite Valentine CHÉRON, sera finalement reconnue coupable d’empoisonnement sur son mari avec circonstances atténuantes (j’avoue ne pas avoir trouvé lesquelles), ce qui lui permettra d’éviter la peine de mort mais la condamnera aux travaux-forcés à perpétuité.

Voici le chef d’accusation retranscrit dans Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Volume 44. Les faits y sont parfaitement relatés. J’ai également pu retrouver la version originale manuscrite dans le dossier de la cours d’Assise.

Emprisonnement

Valentine sera conduite à la maison centrale de Clermont le 2 mai 1850. C’est un établissement pénitentiaire réservé aux femmes ayant une peine de plus d’un an d’emprisonnement.

Maison centrale de Clermont, emprisonnement de Marie Marguerite Valentine Chéron
Maison Centrale de Clermont

Elle bénéficiera d’une « remise » de peine par décision impériale le 15 août 1862, ramenant le reste à faire à 20 ans. Elle ne verra cependant jamais la fin de sa peine, car elle décède le 19 janvier 1868.

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