Challenge AZ : Lettre D comme Délibération municipale
Avoir des informations sur la vie du village de ses ancêtres permet de se rendre compte de l’environnement dans lequel ils ont évolué. Les événements marquants de leur commune et parfois quelques histoires de voisinage sont relatés dans les délibérations municipales entre les questions plus générales sur les finances de la ville. Au détour d’une ligne on peut parfois croiser la mention d’un membre de sa famille, voire sa signature s’il faisait partie du conseil municipal. Ces documents sont parfois numérisés (c’est le cas de l’Oise), sinon ils sont consultables aux archives départementales en série E.
Je vais ici vous parler de la commune de Plailly où, lors d’une délibération, la petite histoire locale fait écho à la grande.
Délibération municipale du 3 juillet 1790
Le samedi trois juillet mil sept cent quatre-vingt-dix, le conseil municipal est convoqué pour discuter du cas du citoyen Antoine MEUNIER.
L’an mil sept cent quatre vingt dix le samedi trois juillet six heures du soir. Le conseil général de la commune de Plailly convoquée [sic] par billet. S’étant assemblée au nombre de quinze qui sont MM GOYER maire, ROCHE, DALLISSANT, BERSON, DORIVAL, et LANGE officiers municipaux, FOURNIER, MERCIER, BOUVET, GROUY, OGER, GARDEIL, GUENET, et COR et LORIN notable, Mr le maire président a fait lecture d’une lettre écrite à cette municipalité par Mrs les officiers municipaux de Senlis par laquelle ils annoncent que les citoyens de Plailly ont fait le Choix de la présence d’Antoine MEUNIER citoyen dudit Plailly pour se rendre en leur nom à la fédération générale à Paris le quatorze de ce mois : mais qu’ils observent que ledit Antoine MEUNIER n’est pas en état pour paraître décemment à ladite fédération d’acheter un habit uniforme militaire, fusil, sabre, et toutes choses qui sont indispensables, que la Municipalité ne jouissant d’aucun fond ou ne peut pourvoir à cet équipement que par une contribution volontaire ou par une quête. La matière mise en délibération et ayant été mandé lecture à lui faite de la présente délibération a déclaré qu’il renonçait à son droit et qu’il laissait liberté à quiconque voudrait faire les frais dudit équipement de le remplacer. Pierre RIEUL DE SENLIS son suppléant ayant été appelé et s’étant présenté a déclaré n’être pas en état de faire les frais de son équipement militaire et que renonçant à son droit il laissait a quiconque le voudrait, la liberté de le remplacer.
Voici donc ce que les participants au défilé du Champ de Mars devaient se procurer. Pas étonnant que personne dans un petit village paysan ne puisse assumer de telles dépenses.
On peut aussi se poser la question sur les « convictions » patriotiques des habitants. Est-ce vraiment un souci financier qui pousse le village à annuler sa participation à cette fête (je n’ai pas trouvé de trace d’un volontaire par la suite) ou un manque d’intérêt pour cette Révolution qui ne les affecte pas tant que ça ? On retrouve dans les délibérations municipales de la ville voisine, Ver-sur-Launette, une déclaration d’allégeance au Roi en 1816 (dont j’ai déjà parlée dans un article précédent). La région était-elle plutôt royaliste ? Impossible d’en tirer des conclusions claires.
Quelques habitants ont peut-être pris la peine de se déplacer jusqu’à Paris pour assister au défilé, mais ça reste peu probable. Il est cependant intéressant de noter que les villageois ont eu connaissance de l’évènement et que cette fête a eu un retentissement hors des murs de la capitale.
La Fête de la Fédération
Revenons à cette Fête de la Fédération. Qu’est-elle exactement? Le marquis de La Fayette s’inspire des nombreuses fêtes civiques organisées partout dans le pays pour proposer une grande fête d’union nationale à l’Assemblé Constituante. Une première est organisée à Lyon le 30 mai 1790. La deuxième, et la plus connue, a lieu à Paris le 14 juillet de la même année sur le Champ de Mars. Une autre sera organisée 2 ans plus tard mais sans connaître la même ferveur.
C’est en 1790 que le roi Louis XVI prête serment à la Nation en compagnie de La Fayette devant 100 000 fédérés et les Parisiens présents pour l’occasion.
Ce n’est qu’en 1880 que le 14 juillet devient notre fête nationale en commémoration de ces événements.
C’est fantastique de retrouver ce genre de détails ! J’ai récemment fait quelques découvertes croustillantes dans les registres des délibérations municipales, même si le dépouillement est assez ingrat parfois ça vaut la peine.
Oui il n’y a pas de délibérations extraordinaires à chaque page. Parfois il faut aussi savoir rassembler plusieurs informations, sur Plailly on peut suivre l’évolution du prix du pain par exemple. Ce n’est pas très fun mais c’est assez intéressant pour retracer la vie de ses ancêtres.