Challenge AZ : Lettre T comme Testament
Pour une fois je ne vais pas vous parler de la branche CHALOT/CHÉRON/LE BOUTEILLER mais de celle originaire des Côtes-d’Armor : les MARTIN/MARSOUIN.
J’ai beaucoup moins d’informations sur ce côté de ma famille, et la recherche aux Archives est pour l’instant impossible (et ce n’est même pas à cause de la pandémie, c’est juste une histoire de distance). Il est donc plus difficile pour moi d’avoir accès à d’autres documents que ceux fournis par l’État civil mis en ligne par les Archives Départementales.
Grâce à Généanet, j’ai fait la rencontre d’un cousin éloigné qui a pu me fournir des informations précieuses sur cette famille, des photos du village mais aussi certaines transcriptions de documents notariés, et notamment d’un testament sur lequel je vais m’attarder aujourd’hui.
Testament : quelques généralités
Il faut savoir qu’il existe plusieurs types de testaments :
- Testament authentique : il est rédigé par un notaire et conservé dans les minutes de l’étude.
- Testament mystique : rédigé par le testateur, le notaire n’en connaît pas le contenu mais il a la charge de le sceller. Il peut être conservé par son auteur ou par le notaire.
- Testament olographe : rédigé et conservé par le testateur, il doit être vérifié et enregistré par le notaire après le décès.
Il existe également un testament nuncupatif. Celui-ci existe sous l’Ancien Régime principalement dans les régions de droit coutumier. Il est confié oralement à un nombre défini de témoins, généralement sept. Malheureusement si l’auteur décède à un âge avancé, il est très probable que les témoins soient décédés avant lui, ce qui le rend difficile d’utilisation, et presque introuvable pour le généalogiste.
Comment retrouver la trace d’un testament ? Plusieurs pistes de recherches s’offrent à nous :
- S’il y a une mention du testament dans l’acte de succession, il suffit alors de se reporter aux minutes du notaire avec les références indiquées.
- Les tables des testaments, dans la série Q. Avant 1825, il faudra naviguer entre trois tables différentes : table des testaments non enregistrés (testateurs vivants), table des testaments contrôlés puis enregistrés (droits d’enregistrement payés) et table des donations et dispositions éventuelles (les nouveaux possesseurs acquittent les droits). De 1825 et à 1866, ces tables sont regroupées pour n’en former qu’une : la table des testaments, donations et dispositions éventuelles
Bien que seul le dernier testament soit pris en compte dans une succession, il est tout à fait possible d’en faire plusieurs au cours de sa vie. Ces différents actes sont une précieuse source d’informations pour connaître les changements de liens entre les individus avec l’ajout ou la disparition de bénéficiaires.
Anne Marie MARSOUIN
Anne Marie MARSOUIN est mon ancêtre à la 5ème génération. Elle naît le 1er juin 1854 dans la commune de Plémy, proche de Saint-Brieuc.
Après son mariage avec Jean Baptiste MARTIN, le 24 novembre 1878, elle met au monde quatre enfants, une fille et trois garçons : Adèle en 1879, Jean en 1881, Joseph en 1883 et Victor en 1886.
Un mois après la naissance de son dernier enfant son époux décède. Elle se retrouve alors veuve avec 4 enfants à charge. Est-ce là ou plus tardivement qu’elle déménage à Paris pour se placer en tant que domestique chez Monsieur FRÉBOURG, au 85 avenue de Villiers ? Je l’ignore, mais 12 ans plus tard, en 1898, elle achète une maison avec courtil dans son village natal de Plémy.
Elle semble y avoir déménagé tout de suite et monté un petit commerce, sans doute une auberge, comme le montre le recensement de 1901. Ceux de 1891 et 1896 étant lacunaires je ne peux savoir à quelle date elle est partie sur Paris.
A l’âge de 51 ans, le 8 juin 1905, sans doute parce qu’elle se sent affaiblie, Anne Marie décide de dicter un testament authentique devant Maitre LEVIER, notaire à Plémy. Sage décision car elle décède quatre mois plus tard, le 4 octobre 1905.
Le testament d’Anne Marie MARSOUIN
Le 8 juin, Anne Marie se rend donc à l’étude du notaire en compagnie de 4 témoins, voisins habitant dans le bourg du village. Voici ce qu’elle dicte :
Voulant prévenir les difficultés et contestations qui pourraient s’élever entre mes enfants après mon décès, relativement aux biens qui composeront ma succession, j’ai résolu d’en faire, dès à présent, le partage entre eux de la manière suivante :
Ces biens se composent :
1° D’une maison sise au bourg de Plémy, ayant rez-de-chaussée, étage et grenier, couverte en ardoise, servant d’auberge et de cellier n°1461 section F du cadastre.
2° Un courtil derrière, dit « le courtil de derrière », n°1458, même section.
J’estime la maison et le courtil à la somme de trois mille six cents francs.
3° Un courtil dit, « le courtil de Perrière » n°1378 que j’estime à trois cents francs.
C’est trois biens sont ceux achetés en 1898 lors du supposé retour d’Anne Marie à Plémy.
4° Une pièce de terre dite « les Etoubles », sise près du Houx que j’estime à quinze cents francs.
Total de l’évaluation des biens, cinq mille quatre cents francs.
Mes enfants sont au nombre de trois, savoir :
Adèle MARTIN
Jean MARTIN
Et Victor MARTIN.
J’apprends donc ici que son troisième enfant, Joseph est décédé, mais n’ayant pas encore réussi à trouver son acte de décès je ne sais pas à quel moment.
Cette somme leur appartiendra par tiers ce qui fait pour chacun d’eux une somme de dix huit cents francs.
Extrait du testament d’Anne Marie MARSOUIN
Attendu que je suis dans l’impossibilité de faire trois lots avec la maison, les courtils et le champ des Etoubles pour remplir ma fille Adèle du tiers lui revenant dans les biens ci-dessus indiqués, je lui donne, lègue et attribue la maison sise au bourg de Plémy, ainsi que le Courtil de derrière ci-devant désignés à charge par elle de payer à son frère Victor une soulte de dix huit cents francs.
Je lègue et attribue à Jean MARTIN, mon fils le Courtil des Perrières et le champs des Etoubles.
Enfin pour remplir mon fils Victor du tiers lui revenant, je lui lègue et attribue :
La somme de dix huit cents francs, qui lui sera payée à titre de soulte par Adèle MARTIN, sa sœur.
Chacun de mes enfants prendra possession et aura la pleine propriété du bien légué à partir du jour de mon décès. Comme j’aime tous mes enfants également, j’ai cherché à rendre leurs lots aussi égaux qu’il m’a été possible ; en conséquence, je veux que le présent partage soit exécuté tel que je viens de l’arrêter, et si, contre mon attente, un de mes enfants s’opposait à son exécution, ou élevait des contestations pour en changer les dispositions, j’entends que cet enfant soit privé de toute la portion de ma succession dont la loi me permet de disposer, c’est-à-dire, un quart en toute propriété et que je lègue expressément, pour le cas seulement, par préciput et hors part, à ceux de mes enfants qui respecteraient mes bonnes intentions et exécuteraient le présent testament en son entier.
Je révoque tous testaments antérieurs.
Si Anne Marie a décidé de ne pas léguer de bien immobilier à Victor et a préféré une somme d’argent, c’est surtout dans un but pratique. En effet, son dernier fils n’était déjà plus à Plémy en 1905, mais à Levallois-Perret en région Parisienne. Il était donc plus facile pour lui de recevoir une somme d’argent que des biens qu’il n’aurait pu entretenir et qu’il aurait fallu revendre.
On remarque également qu’elle avait bien l’intention que ses dernières volontés soient respectées en menaçant ses enfants d’être privés d’une part de leur héritage. N’ayant pas eu l’occasion de voir l’acte de succession, je n’ai cependant pas la confirmation que ce testament ait été suivi à la lettre.
J’aimerais dire un immense merci à mon cousin Yann, petit-fils d’Adèle MARTIN, qui m’a à plusieurs reprises avec beaucoup de gentillesse transmis cet acte pour écrire cet article, et m’a permis d’en apprendre plus sur cette branche méconnue de ma famille.