Challenge AZ : Lettre X comme série X ou né sous X

27 novembre 2020 2 Par elodie

La lettre du jour m’amène à vous parler d’Isidore CASTOR, un ancêtre de mon conjoint originaire de Compiègne dans le Nord de l’Oise.

Tour d'abandon de l'hospice de la charité de Macon
Tour d’abandon de l’hospice de la charité de Macon

La vie d’Isidore ne commence pas sous les meilleurs hospices. Laissé à sa naissance dans le tour d’abandon de Compiègne situé dans l’hospice des indigents dirigé par les Filles de la Charité (aujourd’hui détruit, il ne reste à priori aucune photo ou gravure de ce tour), il est recueilli par Antoine RICHARD, le vieux portier de l’hospice chargé de récupérer les enfants laissés là lorsque la cloche retentissait.

Acte de naissance d'Isidore CASTOR
Acte de naissance d’Isidore CASTOR, AD Oise

L’an mil huit cent trente-deux, le quinze mai heure de midi, par devant nous Antoine Remi VIET, premier adjoint, pour empêchement du maire officier de l’état civil de la ville de Compiègne, est comparu Antoine RICHARD, âgé de quatre-vingt-un ans, portier de l’hospice des indigents de la ville de Compiègne, lequel nous a déclaré avoir trouvé ce jourd’hui à deux heures et demie du matin, dans le tour dudit hospice, un enfant tel qu’il nous le présente, emmailloté d’une chemise, une couche, trois mauvais morceaux de couverture de laine, une brassière de coton blanc, un fichu d’indienne rose, un bonnet d’indienne de même couleur garni d’une dentelle noire. Après avoir visité cet enfant avons reconnu qu’il était de sexe masculin, qu’il paraissait nouvellement né. De suite avons inscrit ledit enfant sous les prénom et nom de Isidore CASTOR et avons ordonné qu’il fut remis à l’administration des hospices de Compiègne pour y être classé au nombre des enfants trouvés. De quoi avons dressé acte en présence des sieurs Pierre GUILLOT, âgé de trente-quatre ans, et Victor Marcellin BOURSET, âgé de trente-un ans, tous deux employés audit hospice des indigents, lesquels ont signé avec nous le présent procès-verbal, le dit Antoine RICHARD a déclaré ne savoir signer après lecture faite.

Transcription de l’acte de naissance d’Isidore CASTOR

L’âge des enfants est déterminé selon plusieurs critères dont le plus important est l’état du cordon ombilical.

C’est donc à deux heures et demie du matin qu’Antoine entend le tintement caractéristique signalant la présence d’un enfant dans le tour. Il n’y a pas de temps à perdre, les petits déposés n’ont parfois que quelques heures de vie et sont extrêmement fragiles. Il se hâte donc pour récupérer l’enfant, mais quelle ne fut pas sa surprise en découvrant non pas une, mais deux frimousses emmaillotées.

Acte de naissance de Pascal POLLUX
Acte de naissance de Pascal POLLUX, Compiègne, AD Oise

L’an mil huit cent trente-deux le quinze Mai, heure de midi, par devant nous Antoine Remi VIEL, premier adjoint, pour empêchement du Maire, officier de l’Etat civil de la ville de Compiègne, est comparu le sieur Antoine RICHARD, âgé de quatre-vingt-un ans, portier de l’hospice des indigents de la ville de Compiègne, lequel nous a déclaré avoir trouvé ce jourd’hui à deux heures et demie du matin dans le tour dudit hospice un enfant tel qu’il nous le présente, emmailloté d’une chemise, une couche, trois mauvais morceaux de couverture de laine, une brassière de coton blanc, un fichu de coton à carreaux bleus et roses, un bonnet d’indienne bleu. Après avoir visité cet enfant avons reconnu qu’il était du sexe masculin, qu’il paraissait nouvellement né. De suite avons inscrit le dit enfant sous les prénom et nom de Pascal POLLUX et avons ordonné qu’il fut remis à l’administration des hospices de Compiègne pour y être classé au nombre des enfants trouvés. De quoi avons dressé procès-verbal en présence des sieurs Pierre GUILLOT, âgé de trente-quatre ans et Victor Marcellin BOURSET, âgé de trente-un ans, tous deux employés au dit hospice des indigents, lesquels ont signé avec nous le présent procès-verbal, le dit Antoine RICHARD a déclaré ne savoir signer après lecture faite.

Transcription de l’acte de naissance de Pascal POLLUX

Il n’est bien sûr pas dit clairement que les deux enfants sont jumeaux, mais il y a trop de coïncidences pour que ce ne soit pas le cas… Deux bébés abandonnés le même jour, à la même heure (en plein milieu de la nuit), dans des vêtements similaires et nommés CASTOR et POLLUX comme les célèbres dieux jumeaux grecs (ce qui nous donne une explication claire sur l’origine du nom de famille CASTOR que nous avions longtemps cherchée avec ma belle-mère).

Les deux bébés sont ensuite directement confiés aux services de l’Assistance publique dont les archives de la série X nous apprennent ceci pour Isidore :

Isidore Castor, Dossier de l'hospice de Compiègne d’Isidore Castor, AD Oise
Dossier de l’hospice de Compiègne d’Isidore CASTOR, AD Oise

L’an Mil huit cent trente-deux, le quinze Mai à deux heures et demie du matin, Antoine RICHARD, portier, ayant entendu sonner à la porte de cet hospice, y étant allé il a trouvé dans un tour un enfant du sexe masculin, nouvellement né, qu’il a remis de suite à Moi sœur CARRERE supérieure audit hospice laquelle le fit porter à l’Officier de l’Etat civil.
Le dit enfant était emmailloté d’une chemine, une couche, trois mauvais morceaux de couverture de laine, une brassière de coton blanc, un fichu d’indienne rose, un bonnet d’indienne même couleur garnie d’une dentelle noire, il n’avait pas de billet.

Mis en nourrice le 16 Mai 1832. Chez la Fe DURU à Tracy-le-Mont.

Transcription fiche de l’hospice de Compiègne d’Isidore CASTOR

La liste de vêtements fournis tous les ans est inscrite dans la marge. Cette aide perdure de 1833 à 1839 et est donnée début avril. La même aide a été donnée à son frère.

Isidore Castor, Dossier de l'hospice de Compiègne de Pascal POLLUX
Dossier de l’hospice de Compiègne de Pascal POLLUX, AD Oise

L’an mil huit cent trente-deux, le quinze mai à deux heures et demie du matin, Antoine RICHARD, portier, ayant entendu sonner à la porte de cet hospice, y étant allé il a trouvé dans le tour un enfant du sexe masculin, nouvellement né, qu’il a remis de suite à moi sœur CARRERE supérieure audit hospice laquelle le fit porter à l’Officier de l’Etat-civil.
Le dit enfant était emmailloté d’une chemine, une couche, trois mauvais morceaux de couverture de laine, une brassière de coton blanc, un fichu de coton à carreaux bleus et roses, un bonnet d’indienne bleue. Il n’avait pas de billet.

Mis en nourrice le 16 mai 1832 chez la Fe MOREL à Mélicocq.
Replacé le 22 avril 1833 chez la Fe MUZEL à Mélicocq.

Transcription fiche de l’hospice de Compiègne de Pascal POLLUX

Il n’y a malheureusement pas plus d’information dans le dossier des deux enfants.

Les fiches rédigées par la supérieure de l’établissement nous indiquent qu’Isidore et Pascal ont été placés respectivement à Tracy-le-Mont et Mélicocq, communes proches de Compiègne, dès le lendemain. C’est à ce moment qu’ils sont définitivement séparés.

Parcours d’Isidore CASTOR

La famille DURU, qui accueille le petit Isidore, ne se compose que d’un couple à son arrivée. Ses père et mère nourriciers se nomment Prudent Ambroise DURU et Agathe Joséphine HAUET, c’est sans doute parce qu’ils viennent de perdre leur première fille, Julie Agathe, en janvier que l’enfant est confié à cette famille.
Tracy-le-Mont semble également être une ville concentrant beaucoup de nourrices car 12 des 79 décès de la commune pour l’année 1832 concernent des enfants trouvés ou placés en nourrice par des familles bourgeoises parisiennes.

Ce n’est qu’à partir de 1846 que je retrouve la trace d’Isidore dans les recensements. Je n’ai pas d’explication sur son absence lors des précédents. Il semble avoir eu la chance de trouver une famille aimante qui le considèrera comme les autres enfants du couple. Il grandira, apprendra le métier de bûcheron et vivra dans la maison de ses parents nourriciers jusqu’à son mariage le 13 Juin 1854 avec Alzyre Augustine CLEMENT, et prendra pour témoins Prudent DURU, son père nourricier, ainsi que Nicolas DURU, frère du premier. De cette union naîtront quatre enfants. Sa femme décède le 26 mars 1868 à l’âge de 38 ans. Le 23 décembre de la même année il épouse Joséphine Arsène Parthénie COLLET dans la commune de Carlepont, les registres n’étant pas en ligne je ne connais pas le nom des témoins. Il aura également quatre enfants avec elle. Il décède le 25 juillet 1888 à Tracy-le-Mont âgé de 56 ans.

Parcours de Pascal POLLUX

Pascal passe la première année de sa vie dans la famille MOREL (ou MORELLE) puis est transféré chez les MUZEL. Il n’y a malheureusement aucune trace de lui dans les recensements de la ville de Mélicocq.

Je retrouve son chemin à Grand-Quevilly en Seine-Maritime. Quand et comment est-il arrivé là-bas ? C’est un mystère. Il est manouvrier et épouse Clémentine Justine DURAND le 14 janvier 1860 dans cette même ville. Contrairement à son frère aucun membre de sa famille d’accueil n’est présent.

Il a quatre enfants avec sa femme dont deux meurent en bas âge. Sa femme décède le 3 juillet 1871 à Grand-Quevilly à l’âge de 50 ans. Il déménage alors à Rouen. Il passe la fin de sa vie chez sa fille Clémentine Victorine et son gendre Léon Henri MOUVAUX, chez qui il s’éteint le 28 mai 1885 à l’âge de 53 ans.

Si les documents conservés en série X, Assistance et prévoyance sociale, sont assez lacunaires en ce qui concerne les jumeaux CASTOR et POLLUX, ils sont néanmoins une source d’informations très importante et peuvent contenir plusieurs pages de comptes-rendus divers, rédigés au cours du placement des enfants.

Il est presque miraculeux que des jumeaux nés en 1832 parviennent à survivre tous les deux, d’autant plus qu’ils étaient abandonnés et qu’une grande majorité de ces enfants ne passait pas l’âge d’un an. S’ils n’ont sans doute jamais soupçonné leur existence respective, vivant à près de 150 km l’un de l’autre, ils ont cependant réussi à créer leur propre famille et à s’entourer de gens aimants.

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