Généathème : Vos ancêtres et la justice
Pour ce Généathème du mois d’octobre, Généatech nous propose de nous plonger dans les archives judiciaires. Pas toujours facile de trouver matière à écrire sur ce thème sans se déplacer aux archives. On peut parfois avoir des informations via les sites de presses anciennes comme Retronews, mais une visite sur place est souvent nécessaire.
Lors de mes recherches, j’ai découvert l’existence d’une cousine assez éloignée de mes ancêtres : Restitude VÉRITÉ.
Restitude VÉRITÉ : une jeune fille peu commode ?
Restitude est la cinquième et dernière enfant du couple Jean Baptiste VÉRITÉ et Séraphine DESACHY. Elle voit le jour le 23 avril 1824 à Crevecoeur (qui deviendra par la suite Crevecoeur-le-Grand) dans l’Oise. Elle passe son enfance dans les champs et au moulin où travaille son père.
C’est une jeune fille d’1m51, aux yeux gris et aux cheveux noirs, une fossette au menton. On retrouve à 20 ans avec ses parents un peu plus au Nord, dans le village de Beaudéduit en 1846. Ses frères et sœur ont, quant à eux, déjà quitté le cocon familial.
En janvier 1850, elle est arrêtée et conduite au Tribunal de Beauvais afin d’y être jugée pour « vols et menaces d’incendie sous conditions » le 31. Elle a en effet dérobé un couteau, une corde et deux fagots de bois à divers voisins. Que comptait-elle en faire ? Mystère. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais, voyant les habitants venir réclamer leurs biens, Restitude les menace de mettre le feu à leur maison.
Entre Monsieur le Procureur de la République _ le tribunal
demandeur suivant exploit Me PITOIS, huissier à Beauvais en date du
vingt sept de ce mois, enregistré ; comparant par M. MATEAU substitut,
d’une part.
Et Restitude VERITE âgée de 23 ans, épic_, née à Crèvecoeur
demeurant à Beaudéduit, prévenue de vols et de menace verbale
d’incendie sous condition, défenderesse présente pour ce amenée de la
maison d’arrêt où elle est détenue ; d’autre part.
A l’appel de la cause le Greffier donne lecture d’une ordonnance de
la chambre du conseil en date du vingt six de ce mois, qui renvoie la
prévenue devant ce tribunal, à raison des faits qui lui sont imputés.
Le ministère public produit ses témoins à l’appui de la présentation.
Tous ces témoins sont entendus successivement et séparément l’un de
l’autre en présence de la prévenue après avoir prêté le serment prescrit par la
loi ; à l’exception de Benoit DEBEAUVAIS qui n’a point prêté serment étant
âgé de moins de quinze ans.
Note est tenue par le Greffier de leurs principales déclarations.
La prévenue interrogée répond aux questions à elle faites.
M. MATEAU résume l’affaire et conclut à l’application des articles
401, 436 et 307 du Code pénal.
La prévenue est entendue dans ses observations.
Après avoir délibéré conformément à la loi :
Attendu que de l’instruction et du débat qui vient d’avoir lieu
il résulte la preuve que Restitude VÉRITÉ a dans le courant de ce mois
1ent soustrait frauduleusement une corde au préjudice du Sr CAUCHAIX,
un couteau au préjudice de la femme SAINTEVILLE, et deux fagots au préjudice
du Sr DEBEAUVAIS, tous de Beaudéduit ; ce qui constitue le délit prévu et
puni par l’article 401 du Code pénal. 2ent proféré des menaces verbales
d’incendie sous conditions contre plusieurs habitants de la commune de Beau-
déduit ; ce qui constitue le délit prévu et puni par l’article 436 et
307 du Code pénal.
Faisant application de ces articles (dont lecture est donnée par le
Président) ainsi conçue :
401 : Les autres vols non spécifiés dans la présente section, le larcin
et filouterie, ainsi que les tentatives de ces mêmes délits, seront punis d’un
emprisonnement d’un an au moins et de cinq ans au plus, et pourront même
l’être d’une amende qui sera de seize francs au moins et de cinq cents francs
au plus.
436 La menace d’incendier une habitation ou toute autre propriété
sera punie de la peine portée contre la menace d’assassinat et d’après les
distinction établie par les articles 305, 306 et 307.
307 Si la menace faite avec ordre ou sous condition, a été verbale, le
coupable sera puni d’un emprisonnement de dix mois à deux ans et d’une
amende de vingt cinq francs à trois cents francs.
Le tribunal condamne ladite VÉRITÉ à treize mois d’emprisonne-
ment et aux frais liquidés à cinquante trois francs cinquante cinq
centimes compris cent du présent jugement.
L’infraction est apparentée à une menace de mort, elle est donc condamnée à 13 mois d’emprisonnement.
Restitude purge sa peine à la maison centrale de Clermont, côtoyant ainsi Apolline CARPENTIER et Valentine CHÉRON dont je vous ai déjà parlé. Elle sort le 25 février 1851 et retourne chez son père à Crevecoeur mais décède quelques jours plus tard le 8 mars 1851. Même si rien ne le prouve, il est probable que les conditions de détention ne soient pas étrangères à cette mort précoce.
Dans le même thème j’ai déjà publié deux articles lors du Challenge AZ 2020 :
- Lettre A comme Assise ou Arsenic : l’histoire de Valentine CHÉRON
- Lettre Y comme la série Y, les établissements pénitentiaires : Apolline CARPENTIER multirécidiviste.