Challenge AZ lettre N comme la maison de Gérard de Nerval
Lettre N comme Gérard de Nerval, l’histoire de la maison de son enfance
Pour la lettre N du challenge je vais revenir sur la maison de Gérard de Nerval. Pourquoi ? Parce que j’ai toujours entendu parler de cette maison. D’après les dires familiaux, la maison des Gendarmes, où ont habité certains membres de ma famille, aurait appartenu à l’oncle de Gérard de Nerval et aurait donc vu grandir celui-ci.
Nous le savons tous il y a parfois une légère différence entre les on-dit et la réalité. J’ai donc décidé de vérifier s’il s’agissait bien de la même maison. Comme nous l’avons vu dans l’article sur la lettre G, je n’ai pas encore réussi à remonter l’historique des propriétaires de la maison des Gendarmes avant la baronne de FAUCHERES, ce n’est donc pas ici que je pourrai obtenir la confirmation (ou l’infirmation) de l’information donnée par ma famille.
Je me suis donc concentrée sur la maison d’Antoine BOUCHER, oncle de Gérard, pour retrouver qui l’a achetée après son décès. Première étape : retrouver la date du décès d’Antoine, rien de bien compliqué grâce aux tables décennales.
L’an mil huit cent vingt, le trente un mois de mai à sept heures du matin, pardevant nous Maire, Officier de l’Etat Civil de la commune de Mortefontaine, canton et arrondissement de Senlis, département de l’Oise, sont comparus Jean DUFRESNOY, âgé de vingt neuf ans, cultivateur à Louvres département de Seine et Oise, arrondissement de Pontoise, et Jean Martin LEFEVRE, âgé de quarante cinq ans, jardinier, demeurant au dit Mortefontaine, le premier gendre, et le second voisin du défunt. Lesquels nous ont déclaré que Antoine BOUCHER, âgé de soixante ans six mois et treize jours, marchand épicier, veuf de Marie Jeanne ROBQUIER, domicilié en cette commune, est décédé hier à huit heures du soir en sa maison, située sur la Grande Route de Mortefontaine à Plailly. Et les déclarants ont signé avec nous le présent acte, après que lecture leur en a été faite.
Transcription acte de décès d’Antoine BOUCHER
L’oncle de Gérard est donc décédé le 29 Mai 1820, ne laissant pour héritière qu’une fille, Marie Antoinette BOUCHER, femme de Jean DUFRESNOY désigné dans l’acte de décès.
En recherchant parmi les hypothèques, je trouve rapidement l’acte de vente de la maison d’Antoine en date du 15 Avril 1822, passé devant Maitre MARGE, notaire à Senlis.
Une maison située à Mortefontaine, Grand Rue dudit lieu, ayant son entrée par une porte ordinaire et une porte charretière, et consistant en un corps de logis, composé au rez-de-chaussée, d’une boutique de deux salles et d’une cuisine, au premier étage quatre chambres, et grenier au dessus. Une grange d’une seule travée au bout de ladite maison et à droite des portes d’entrée ; deux écuries au fond de la cour en face de la porte cochère ; petit hangar attenant aux écuries, un petit appentit (sic) au bout de la cuisine où se trouve l’évier, faisant saillie sur le jardin ; lieux d’aisance ensuite des écuries, cave et caveau sous la maison ; cour à gauche de ladite maison, et un jardin entouré de murs au bout de la grange et de la cuisine. Tous lesdits bâtiments couverts en tuiles. Le total tenant d’un côté pardevant à la grande rue, et des autres parts au domaine de Mortefontaine.
Description de la maison, extrait de l’acte de vente de la maison d’Antoine BOUCHER, AD Oise
La description de la maison nous donne un bon aperçu de ce qu’a pu connaître Gérard dans son enfance.
La propriété est vendue à un certain Barthélémy Philippe LECLERC, marchand de vins, demeurant à Franconville, pour un prix de 5 000 francs. Celui-ci la revend ensuite à Robert Honoré PARENT, maire de Mortefontaine, le 16 Décembre 1825, toujours devant Maitre MARGE, pour 6 000 francs, soit 1 000 francs de bénéfice en 3 ans.
Monsieur PARENT profitera de la propriété avec son épouse jusqu’à la fin de sa vie le 11 Décembre 1834.
C’est donc à ses héritiers que revient la tâche de se partager cette maison. Ne pouvant visiblement pas trouver un accord et comme aucun d’entre eux ne semble s’intéresser à la demeure, ils décident de la vendre aux enchères le 11 Octobre 1835. Et devinez qui peut être intéressé par une propriété bordant le château de Mortefontaine à cette date ? Sophie DAWES, la baronne de FEUCHERES, bien évidemment. J’ai donc pu retrouver cette transaction aux Archives. Elle ne s’est bien sûr pas présentée elle-même devant le notaire, c’est André AUBER, huissier, qui s’est occupé des démarches à sa place. Elle a acquis par son intermédiaire la maison avec un jardin se situant à l’extrémité de Mortefontaine pour 11 050 francs.
J’ai, à ce stade, potentiellement confirmé que la maison des Gendarmes et celle de l’oncle de Gérard de Nerval ne font qu’une. Le problème c’est que cette chère baronne de FEUCHERES possédait BEAUCOUP de propriétés sur Mortefontaine… J’ai donc dû me pencher un peu plus sur le cadastre de la ville pour m’assurer qu’il s’agissait bien de la même propriété.
Pas d’indication sur les parcelles dans les actes de vente, il faut donc que j’utilise la matrice du cadastre pour essayer de retrouver la demeure. La matrice en question est très lacunaire dans cette ville ; mais j’ai heureusement la chance de retrouver celle correspondant à la période durant laquelle Robert Honoré PARENT était propriétaire. Il ne possédait visiblement qu’une seule maison, toutes les autres parcelles correspondant à des jardins ou des terres cultivables.
Sur cette image on peut avoir un petit aperçu des possessions de la baronne autour de la maison de Robert Honoré PARENT, il n’est donc pas étonnant qu’elle ait été intéressée par cette vente.
Un problème se pose ici : la propriété de Robert est située sur la parcelle E31… Hors ça ne correspond pas avec la parcelle de la maison des Gendarmes. Ce n’est pas très loin certes, à 50 mètres à peine, mais ce n’est pas la même maison.
Je peux donc affirmer aujourd’hui que ce que j’ai entendu pendant si longtemps n’est qu’une rumeur et que la maison qui a vu grandir Gérard de Nerval n’a pas appartenu à ma famille.
Je vous quitte sur des photos de la maison d’Antoine BOUCHER en 1914 et 1950, celle que Gérard de Nerval a connue enfant, malheureusement aujourd’hui détruite.