Challenge AZ Lettre G comme maison des Gendarmes

8 novembre 2019 0 Par elodie
Challenge AZ lettre G

Lettre G comme maison des Gendarmes à Mortefontaine

Aujourd’hui nous allons nous attarder sur l’histoire d’une maison comme il y en a tant dans les villages de l’Oise. Il s’agit de la maison mitoyenne de la boucherie familiale de Mortefontaine. Ce qui la rend si particulière ? Outre qu’elle soit partie intégrante de l’histoire de ma famille, c’est son nom qui retient l’attention : la maison dite « des Gendarmes ».

Pourquoi ce nom? Je n’ai pas encore trouvé d’explication. Voici ce que j’ai pu apprendre sur ce bâtiment au travers de l’acte d’achat réalisé par Iréné CHALOT le 26 Février 1881.

Localisation

La maison des Gendarmes se trouve dans la rue Gérard de Nerval à Mortefontaine. Au niveau du tournant de la rue , entre le parc de la Vallière à l’arrière et la rue face au château, Cadastre 230 section B. D’un côté se trouve la boucherie de ma famille (numéro 228 et 229 sur le cadastre), de l’autre on pouvait voir dans les années 1900 un restaurant appelé l’Hôtel des Artistes.

Hôtel des Artistes début XXe - Challenge AZ lettre G
Hôtel des Artistes début XXe

La « première » propriétaire : Sophie DAWES la baronne de FEUCHERES

Sophie DAWES, après avoir hérité du château de Mortefontaine, entreprend d’agrandir son patrimoine immobilier dans la ville et achète plusieurs maisons et terrains autour de sa propriété.

Hypothèque : case 743, Sophie DAWES, AD Oise

Je n’ai pas pu retrouver, pour l’instant, l’acte d’achat de la maison des Gendarmes. Peut-être était-elle inclue dans l’héritage du prince de Condé. Il est également possible qu’elle l’ait acquise entre 1830 et 1837 de son propre chef. Toujours est-il qu’elle s’en sépare le 23 Octobre 1837.

Extrait acte d’achat maison des Gendarmes, AD Oise

Il n’y a plus de trace de cette vente aujourd’hui. En effet, comme l’indique l’extrait ci-dessus, le procès verbal d’adjudication ne parait pas avoir été transcrit et les archives du notaire ayant réalisé la transaction, Maitre CHARTIER, sont parties en fumée lors d’un incendie à Senlis. Mais l’historique de propriété nous apprend que la maison a été vendue à Monsieur Vincent Ferdinand DURU pour la somme de 8 650 francs, payée en deux quittances en date du 1er Décembre 1839 et du 5 Octobre 1847.

La famille DURU

C’est donc Vincent Ferdinand DURU qui s’installe avec sa femme Louise Antoinette GARNIER dans la maison des Gendarmes. Charron, il utilise sûrement la cour de la bâtisse pour stocker ses outils. A son décès, le 23 Juin 1845, c’est sa veuve ainsi que ses deux enfants, François Félix et Louise Joséphine, qui héritent de la maison.

Le 4 Mars 1851 c’est sa fille Louise Joséphine qui décède sans enfant, suivie un an plus tard le 6 Avril 1852 par Louise Antoinette, laissant ainsi François Félix DURU seul propriétaire de la demeure. Il prend donc possession des lieux avec sa femme, Séverine Honorine MORAND, et ses enfants. A la mort des deux époux (François Félix, décède le 7 Mars 1876, après sa femme), ce sont les deux enfants du couple qui héritent du bien. Louis Désiré Prosper DURU et Marie Marguerite DURU, déjà mariés, respectivement avec Zéline Alix CHÉRON et Charles Alexandre BUSSY, n’habitent pas la commune et n’envisagent pas d’y retourner. Ils décident alors de diviser la maison en plusieurs appartements et de les louer.

Voici ce qu’on peut lire sur l’acte :

Les comparants déclarent :

1° Que la majeure partie de la maison est louée, savoir :

– Une portion à Monsieur Ernest Edouard DEBENNE, charron demeurant à Mortefontaine pour trois, six ou neuf années au choix des preneurs seulement à la charge de prévenir les bailleurs six mois avant l’expiration des trois ou six premières années qui ont commencé à courir le quinze octobre mil huit cent soixante seize, moyennant outre les charges et notamment l’acquit de l’impôt des portes et fenêtres, l’impôt foncier étant à la charge des bailleurs, un loyer annuel de deux cents francs payable en deux termes et paiements égaux de six en six mois les quinze avril et quinze octobre de chaque année, le tout ainsi qu’il résulte d’un bail reçu par Maitre BENOIST notaire à Senlis le trente et un octobre mil huit cent soixante seize.

– Une autre portion à Monsieur Victor Jérôme BOURGOGNE, demeurant à Mortefontaine pour neuf années entières et consécutives qui ont commencé le quinze juillet mil huit cent soixante dix neuf […] moyennant, outre les charges, […] un loyer annuel de deux cents francs […]

– Une autre portion à Madame veuve DOIS, manouvrière, verbalement et à l’année moyennant un loyer de soixante cinq francs, […]

– Une autre portion aussi verbalement et à l’année à Madame VAILLANT, manouvrière, moyennant un loyer de trente francs […]

– Enfin le surplus de la dite maison est libre de location.

Extrait de l’acte d’achat de la maison des Gendarmes du 26 Février 1881, AD Oise

C’est en 1881 que les frère et sœur décident de vendre la maison. L’acquéreur est tout trouvé, Louis François Félix demande à la cousine de sa femme, Françoise Joséphine CHÉRON, épouse d’Iréné CHALOT si elle est intéressée par ce bien.

La famille CHALOT

Ce 26 Février 1881, le couple CHALOT acquiert donc la propriété désignée comme suit :

Extrait de l’acte d’achat de la maison des Gendarmes, AD Oise

Une maison dite Des Gendarmes, située à Mortefontaine sur le pavé d’Avesnes, avec porte cochère consistant : En un corps de bâtiment principal composé de six pièces au rez-de-chaussée, de cinq au premier avec grenier au-dessus, cave sous les bâtiments. En une grande cour avec fournil, toit à porcs, poulailler, lieux d’aisances, magasin et écurie. Et un jardin contenant environ douze ares quarante six centiares, tenant le tout par devant au pavé d’Avesnes, par derrière au mur du grand parc de Mortefontaine, de l’Est à Monsieur BOUCHER et à l’Hôtel de la Providence de l’Ouest à Messieurs CARTIER et Iréné CHALOT.

Extrait de l’acte d’achat de la maison des Gendarmes du 26 Février 1881, AD Oise

Le couple n’habitera pas dans cette maison, préférant rester dans la maison voisine, acquise peu de temps auparavant. Ils continueront à la louer à différentes personnes comme le montre l’acte de succession d’Iréné CHALOT en date du 10 Octobre 1901 :

Une maison dite « des Gendarmes », sise à Mortefontaine, sur le pavé d’Avesnes avec cour et jardin louée verbalement :

– Partie à Mr LAURENT moyennant 100 francs par an payable les 1er janvier, avril, juillet et octobre,

– Partie à Demoiselle FAUVET moyennant 80 francs payable les 1er février, mai, août et novembre,

– Partie à Mr POURTEAU moyennant 100 francs par an payable les 25 février, mai, août et novembre,

– Partie non louée d’un revenu brut de 20 francs […]

Extrait de l’acte de succession d’Iréné CHALOT du 10 Octobre 1901, AD Oise

La propriété reste donc au couple jusqu’au décès d’Iréné le 25 Avril 1901 au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Afin de régler la succession et pour partager équitablement les biens entre les héritiers, une vente aux enchères est organisée le 25 Janvier 1903 à Mortefontaine dont voici l’annonce trouvée dans le « Courrier de l’Oise » en date du 28 Décembre 1902 :

Extrait publication de vente aux enchères maison des Gendarmes, Courrier de l'Oise, 28 Décembre 1902 - Challenge AZ lettre G
Extrait publication de vente aux enchères maison des Gendarmes, Courrier de l’Oise, 28 Décembre 1902

Si la description intérieure de la maison est beaucoup plus succincte que dans l’acte d’achat, celle de l’extérieure est plus détaillée et permet de se faire une meilleure idée de l’apparence de la propriété. Ce seront finalement les petits enfants d’Iréné, Germaine et Robert BRANCART, qui rachèteront la part des autres héritiers et finiront par s’y installer.

Germaine est la dernière de la famille à avoir vécue là, elle y demeure jusqu’à la fin de sa vie en 1971. Aujourd’hui la maison n’existe plus, voici ce qu’on peut voir en s’y rendant :

Conclusion

Nous nous retrouvons demain pour la lettre H.

J’ai toujours entendu dire que cette maison avait un jour appartenu à la famille de Gérard de Nerval et qu’elle l’avait vu grandir. Après toutes ces recherches je sais aujourd’hui que c’est faux, mais ce n’est pas pour autant que je n’ai pas une tendresse particulière pour ce bâtiment dont on m’a tant parlé. C’est cette maison qui m’a appris à utiliser les tables des hypothèques, qui m’a permis d’apprendre les bases de la généalogie immobilière, mais c’est surtout la première maison dont j’ai pu avoir une description et qui m’a aidée à mieux me représenter la vie de l’époque.