Challenge AZ : Lettre H comme Victor Hugo, Les Misérables

9 novembre 2020 6 Par elodie

Les sources permettant d’en apprendre plus sur la vie de nos ancêtres sont conservées aux Archives Départementales pour une bonne partie d’entre elles. Comme chacun le sait, internet est également une mine d’information incroyable. Nous connaissons tous les photos conservées dans un tiroir chez nos parents ou grands-parents, ainsi que les documents et objets au fond du grenier. Mais vous êtes-vous déjà penché sur le contenu de leur sous-sol ?

C’est dans une cave qu’était conservée la malle de mon arrière-arrière-grand-père Alfred Victor LE BOUTEILLER. Celle-ci l’a accompagné une grande partie de sa vie, notamment en Algérie pendant la Première Guerre Mondiale.

Feuilles de boucherie

A l’intérieur, des milliers de feuilles de boucherie qui servaient à empaqueter la viande des clients. Heureusement je suis curieuse, j’ai vidé entièrement la malle et ai découvert au milieu un paquet de feuilles sortant de l’ordinaire : Les Misérables de Victor HUGO édité en 1865, ainsi que le certificat d’études de mon arrière-grand-père (je reviendrai sur celui-ci dans un prochain article).

Les Misérables, Victor Hugo, 1865, édition HETZEL
Les Misérables, Victor HUGO, Editions HETZEL et LACROIX, 1865.

Les pages sont très abimées, surtout les premières et les dernières. Il y a également beaucoup de taches d’humidité.

La méthode de diffusion est particulière, pour nos yeux actuels, car le livre n’était pas acheté sous forme complète mais sous forme de feuillets. HETZEL, connu pour ses éditions de Jules VERNE, décide de proposer HUGO au plus grand nombre. Pour cela il divise l’œuvre en 100 feuillets et propose de les envoyer petit à petit aux familles qui souscrivent à l’abonnement. Visiblement, HETZEL était l’ancêtre des Editions Altaya & Co.

Ce mode de diffusion est assez courant et partage la vedette avec les livres publiés en feuilletons dans les journaux. Ils permettent aux gens d’acquérir à moindre coût les romans populaires de l’époque tout en créant une sorte de curiosité et d’attente pour la suite. On retrouve d’ailleurs ce mode de publication pour les mangas au Japon aujourd’hui.

On peut aussi s’imaginer que, dans un monde où l’accès à la lecture n’était pas aussi évident que maintenant, la lecture en fascicules comportant des illustrations était peut-être plus attrayante que celle d’un énorme livre dépourvu d’image. Lire une livraison de huit pages illustrées deux ou trois fois par semaine semblait sans doute moins contraignant que de se plonger dans un ouvrage de 800 pages.

Cette édition est illustrée de 200 superbes dessins de BRION dont les gravures ont été faites par YON et PERRICHON.

Sur la dernière page on retrouve une publicité pour la prochaine publication de HETZEL : Notre-Dame de Paris. Ce livre, moins imposant que le premier, n’est divisé qu’en 35 feuillets. Il donne cependant une bonne idée de la méthode de parution. Il est possible d’acquérir ce nouveau livre pour 3,50 Francs, soit 10 centimes par feuillet. Ce tarif n’est valable que pour les Parisiens, pour les provinciaux cette somme monte à 5 Francs. Deux expéditions par semaine sont prévues : une le lundi, l’autre le jeudi, étalant ainsi les livraisons de septembre à décembre 1865. Pour ce qui est des Misérables, la fréquence a sûrement été plus élevée (puisqu’il y avait 100 fascicules), mais le prix d’un feuillet devait être le même. Autre information importante : 150 000 souscripteurs ont reçu la première parution.

Beaucoup de familles ont fait relier leur livre une fois l’ensemble des feuillets reçus, ce n’est malheureusement pas le cas de la mienne, ce qui aurait permis de mieux conserver l’ouvrage…

Je ne sais pas à qui il a pu appartenir. Est-ce aux parents d’Alfred Victor LE BOUTEILLER (né en 1866 il était trop jeune pour en être le premier propriétaire), Victor Aimable et Henriette Marie GODIN, bouchers à Saint-Lô, ou aux parents de sa femme : Irène CHALOT et Françoise Joséphine CHÉRON, eux aussi bouchers, à Mortefontaine ? Les deux couples étaient assez aisés et savaient visiblement parfaitement lire et écrire.

Je ne peux qu’être émue en imaginant mes ancêtres découvrir cette histoire, semaine après semaine, les enfants feuilletant par la suite les pages sous l’œil attentif de leurs parents veillant à ce que les feuillets ne soient pas mélangés. Ont-ils aimé l’histoire ? La présence du coupon de souscription pour Notre-Dame de Paris me laisse croire qu’ils n’ont pas renouvelé leur abonnement.

D’après le témoignage de ma grand-mère, Raoul, son père et fils d’Alfred, était très cultivé. Ce livre a donc sans doute participé à son éducation et sa conservation pendant tant d’années montre qu’il était important pour lui et sa famille.

Ne négligez donc pas les caves, soyez curieux et n’hésitez pas à fouiller (avec la permission du propriétaire bien sûr), même lorsque la malle/valise/caisse ne semble contenir que des papiers sans intérêt.

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