Challenge AZ : Lettre B comme Bail ou Boucherie
L’année dernière, j’ai écrit un article sur les bouchers de ma famille originaires de l’Oise. Je profite donc de cette deuxième participation pour parler des descendants de cette branche.
Au cours de mes recherches j’ai pu mettre la main sur le bail de location de la boucherie de mes arrière-arrière-grands-parents : Alfred Victor LE BOUTEILLER et Alice Marguerite CHALOT. C’est un document très intéressant pour mieux appréhender les conditions de travail de nos ancêtres car il apporte de nombreux détails sur les locaux et sur ce que les locataires avaient le droit de faire ou non.
Après leur mariage à Mortefontaine, en 1900, les deux époux sont restés trois ans sur Paris avant de déménager à Montrouge (92). A cette occasion, ils ont racheté un fond de commerce à l’angle de la Grande rue n°25 (aujourd’hui nommée rue Gabriel Péri) et de la rue de la République n°38.
On notera ici l’erreur commise lors de l’impression de la carte, le nom « LE BOUTEILLER » ayant gagné un « I » et perdu un espace, pour se transformer en « LEBOUTEILLIER« . Orthographe que je ne retrouve sur aucun acte ni sur la devanture de la boucherie.
Au bout de quelques mois, Monsieur HENRY vend ses parts à mon arrière-arrière-grand-père qui restera seul gérant de la boucherie avec sa femme.
Ce n’est que deux ans plus tard, en 1905, qu’ils deviennent propriétaires du bail. Monsieur et Madame PETIT leur ont sans doute sous-loué le local jusque-là.
Cession de bail de boucherie entre PETIT et LE BOUTEILLER
La cession s’effectue le 26 septembre 1905, devant Maître THOMAS, notaire à Montrouge. Il s’agit de la reprise d’un bail signé pour douze années entre Monsieur MAGAND, propriétaire, et Monsieur PETIT, boucher, le 16 février 1903.
Voici la description de la boutique :
[…] dépendant d’une maison sise à Montrouge, Grande Rue n°25 à l’angle de cette rue et de l’avenue de la République sur laquelle elle porte le n°38.
Une boutique dallée et carrelée ayant son entrée sur la Grande Rue ; un petit cabinet entouré de cloisons vitrées et éclairé par une croisée sur la place de l’Eglise ; petite boutique avec entrée sur l’Avenue de la République.
Corridor conduisant à un escalier, cave, portion de cour séparée de celle de M. LABBÉ, et devant recevoir les eaux de cette dernière cour.
Premier étage composé de trois pièces éclairées sur la rue, sur la place de l’Eglise, et sur une cour intérieure, cabinet noir.
Grenier avec chambre de garçon au dessus.
Cave sous la boutique ; cour ayant son entrée sur la place de l’Eglise ; cuisine.
Enfin droit de communauté avec les autres locataires au puits de la maison n°27, ayant son ouverture sur la rue et ce tant que les bailleurs seraient propriétaires de ladite maison. […]
Un logement au dessus de la boutique est donc fourni à la famille avec la location du local. Je reviendrai sur cet appartement dans un prochain article.
Si le propriétaire est un ancien boulanger à la retraite, la boutique est une boucherie depuis au moins 1884. Le bail donne ainsi le liste des locataires précédents :
[…] le bail par M. et Mme MAGAND à M. et Mme PETIT ferait suite au bail des mêmes lieux consenti par M. et Mme MAGAND à M. Adolphe Théodore LEPOUZÉ, marchand boucher, et Mme Louise Pauline BAUDANT, son épouse, suivant acte reçu par le notaire soussigné le vingt-huit mars mil huit cent [quatre] vingt-quatre.
Que le droit à ce dernier bail appartenait alors à M. et Mme PETIT au moyen de la cession qui leur en avait été faite suivant acte sous seings privés fait double à Montrouge le vingt novembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept, […], par M. Paul Constant Marie BEAUVAIS, ancien boucher à Montrouge, qui lui même était cessionnaire de M. et Mme LEPOUZÉ, en vertu d’un acte sous signatures privées en date à Montrouge du vingt-un mai mil huit cent quatre-vingt-cinq, […]
Il est également expliqué en détail ce que les locataires ont le droit et le devoir de faire ou non dans cette boutique et dans l’appartement :
[…] De garnir les lieux loués et les tenir constamment garnis de meubles, objets mobiliers, matériel et marchandises en quantité et de valeur suffisantes pour répondre du paiement des loyers et l’exécution des charges dudit bail.
De laisser faire aux lieux loués les grosses réparations qui pourraient devenir nécessaires pendant le cours du bail sans pouvoir exiger aucune indemnité ni diminution de loyer, pourvu que la durée des travaux n’excède pas quarante jours.
De jouir des lieux loués en bon père de famille et en locataires soigneux et de bonne foi ; de les entretenir en bon état de réparations locatives et de les rendre en cet état à la fin dudit bail.
De satisfaire à toutes les charges de ville et de police dont les locataires sont ordinairement tenus, de payer le balayage de la voie publique au devant des lieux loués et le ramonage des cheminées, le tout de manière que les bailleurs ne soient jamais recherchés à ce sujet.
D’acquitter exactement les contributions personnelle, mobilière, de patente et des portes et fenêtres, et de justifier la dernière année dudit bail et avant son expiration, de l’acquit intégral des contributions de cette dernière année.
De pouvoir faire tous changements et embellissements que bon leur semblerait dans les lieux loués, mais sans pouvoir nuire à la solidité de la maison et sous la surveillance de l’architecte des bailleurs, avec stipulation qu’à la fin du bail les changements et embellissements resteraient à M. et Mme MAGAND sans qu’ils aient à payer aucune indemnité aux preneurs.
De n’exercer le droit de puisage au puits qu’en supportant les différents frais d’entretien ou même de remplacement des cordes, poulies et seaux sauf à eux à s’entendre comme bon leur semblerait avec les autres locataires de M. et Mme MAGAND auquel il aurait été concédé pareil droit de puisage sans pouvoir en aucun cas élever de réclamation contre les bailleurs soit pour insuffisance soit même pour manque absolu d’eau.
De ne pouvoir jamais exercer dans les lieux loués les professions de marchand épicier, boulanger, teinturier, dégraisseur, charbonnier, horloger, bijoutier, ainsi que tout états à marteau, insalubres et nuisibles.
De ne pouvoir céder ni transporter leur droit audit bail qu’à leur successeur dans leur fonds de commerce, […] Il a été toutefois convenu que les preneurs pourraient sous-louer comme ils l’entendraient, mais aux conditions dudit bail, la petite boutique existant sur l’avenue de la République. […]
Le loyer annuel pour le local et l’appartement est fixé à 1 600 francs et payable de trois en trois mois.
Pour le bon fonctionnement de la boutique, Alfred LE BOUTEILLER et sa femme ont également loué un abattoir dans la rue Sadi Carnot. Le propriétaire est M. LEPOUZÉ. Ce bail a sans doute été fait sous seing privé car je n’en ai pour l’instant pas retrouvé de trace. Le loyer s’élève à 700 francs par an payable en 4 fois.
Voici quelques photos de la boucherie. Elle n’existe plus aujourd’hui, elle se trouvait à la place du carrefour face à l’église Saint-Jacques-le-majeur, juste devant l’actuelle sortie de métro « Mairie de Montrouge « .
Étrange cette erreur sur la cette. Le bon à tirer n’existait peut-être pas à l’époque ?
Je ne m’explique pas l’erreur. Mais il s’agit peut être d’un « prototype » qui a été corrigé avant d’être distribué plus largement. Je l’ai retrouvé dans des papiers de famille donc impossible de savoir.
Ca c’etait de la bonne viande !
Oui impossible de voir ça aujourd’hui avec les normes d’hygiène. Sans compter que les gens n’ont peut être plus envie d’avoir les carcasses sous les yeux maintenant ^^
Avec de belles bêtes comme ça, ont-ils participé à des foires, des commices ? et peut-être obtenu des prix ? (je croix voir des plaques ovales sur la droite qui font penser à des plaques de concours agricoles)
Alors là aucune idée. Les bouchers participaient-ils à ce genre de foires ? N’était-ce pas les éleveurs qui présentaient leurs bêtes ? J’avoue ne pas m’être posée la question mais je suis preneuse de toute information pour explorer cette piste.
C’est super d’avoir pu retrouver tous ces documents!!
J’ai aussi des bouchers et des boulangers dans mes ancêtres, mais je n’ai jamais rien trouvé de tel !
En supposant que l’acte n’a pas été passé sous seing privé, le plus « simple » est d’éplucher les minutes des notaires de la ville où exerçait vos ancêtres. Ce n’est pas garanti mais c’est une bonne piste de départ.
Super ce bail, et ces photos sont superbes! Ca donne faim 😅
Merci ^^ je n’arrive malheureusement pas à identifier grand monde sur ces photos…
Top ton article. J’adore les photos utilisées. Mais je crois que ce que je préfère par-dessus tout c’est la kitschissime pochette de bail : sublime!
Merci beaucoup ^^ oui la pochette est spéciale … mais le notaire n’a pas toujours utilisé ce modèle c’est dommage 😆
J’aime beaucoup ces vieilles boucheries. Où qu’elles soient, elles avaient cette décoration en métal très découpé entre les vitrines et le premier étage. Quand on voit cela on sait tout de suite que c’est ou c’était une boucherie !
Oui, moi aussi je trouve qu’il y a un charme particulier dans ces photos. J’en ai pas mal de boucheries dans lesquels les membres de ma famille ont travaillé.