Challenge AZ : Lettre S comme Succession

22 novembre 2020 2 Par elodie

Aussi appelés déclaration de mutation par décès, les actes de succession ont un grand intérêt généalogique. Tout d’abord parce qu’ils décrivent les possessions du défunt au moment de son décès, mais aussi le nom de son époux/épouse, et surtout les noms, âges et adresses des héritiers, informations capitales pour travailler en généalogie descendante.

Dans cet article je ne vais m’intéresser qu’aux actes de successions passés après la Révolution.

Comment retrouver ces documents ? Il vous faudra vous pencher sur la série Q des Archives Départementales, dont vous pourrez retrouver les informations dans la lettre Q de ce challenge.

Comme indiqué dans cet article, il faut se reporter aux tables de successions et absences. La déclaration s’effectue dans le bureau auquel le domicile du défunt est rattaché. Il peut également y avoir d’autres entrées lorsque des biens immeubles existent hors du bureau.
Par exemple, Alice Marguerite CHALOT, dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises dans ce challenge, est décédée le 22 juin 1906 à Montrouge (Hauts-de-Seine). Le bureau de rattachement de la ville à cette époque était Sceaux (attention aux changements de rattachement, reportez-vous toujours à la notice fournie par les Archives). On retrouvera donc sa succession au bureau de Sceaux.
Comme elle avait également des biens immobiliers dans sa commune de naissance, à Mortefontaine (Oise), il y a donc aussi une entrée dans les tables de successions de Senlis pour Alice.

Table de successions de Senlis, Alice Marguerite CHALOT, AD Oise, 3Q14989

La mention de la déclaration de succession faite à Sceaux le 12 décembre 1906 sous le numéro 594 est bien présente. C’est d’ailleurs grâce à cette table que j’ai pu connaître le bureau d’enregistrement de la succession, le registre de Sceaux pour cette période étant visiblement en trop mauvais état pour être numérisé.

Il faut savoir que le délai moyen entre le décès et la succession est de 6 mois, mais peut parfois être beaucoup plus long.
Lorsque la date du décès est connue, il suffit de feuilleter le registre à partir de celle-ci pour retrouver la date de transcription de la succession. Dans notre cas, cette succession est donc parfaitement dans la moyenne.

Acte de succession d’Alice Marguerite CHALOT

Photo de l’acte de succession d’Alice Marguerite CHALOT, AD Hauts-de-Seine, 3Q/SCE_165

Avant de s’intéresser à l’acte en tant que tel, prenons le temps d’analyser cette première page qui peut apporter beaucoup plus de renseignements qu’on ne l’imagine.

Dans le cadre principal, se trouve le nom du notaire effectuant la succession, puis les informations d’État civil de la défunte. Information intéressante, elle ne se faisait pas appeler Alice, mais Marie, comme indiqué par la mention “dite Marie”. L’âge du décès est aussi inscrit, ici 34 ans. Elle n’exerçait pas de profession au moment de sa mort et habitait au 38 avenue de la République à Montrouge avec son mari Alfred Victor LE BOUTEILLER. La date de son décès est rappelée juste après.

Passons maintenant à la partie réservée au receveur à droite. Il y a bien sûr la date, le numéro de l’acte et de quittance de l’acte de succession.
La première ligne “Table des décès” est la référence pour retrouver la mention de l’acte de succession dans les tables de successions et absences : c’est de peu d’intérêt, puisque dans la grande majorité des cas vous serez d’abord passés par cette table pour retrouver l’acte. Et même si ce n’est pas le cas, les tables ne donnent aucun renseignement supplémentaire par rapport à l’acte.
Le compte au répertoire général constitue en revanche un information précieuse. Il s’agit en effet de l’entrée la plus facile à trouver pour accéder au répertoire général, car le système de fiches permettant de retrouver un individu a été détruit dans la plupart des cas.

Qu’est-ce que le répertoire général ? Créé en 1866, il est la fusion des différentes tables de l’enregistrement, à l’exception des tables de successions et absences bien sûr. Il appartient lui aussi à la série Q, et plus particulièrement à la série 3Q (sauf exception).
Il suffit donc de se reporter au numéro de case dans le volume correspondant pour retrouver la personne qui nous intéresse.

Ici on peut voir qu’Alice possédait la case 895 dans le volume 59 et son époux, Alfred, la case 1410 dans le volume 62. Voici ce qui apparaît pour ces deux personnes :

J’ai ainsi la liste de tous les actes passés devant notaire (pour le bureau qui nous intéresse seulement). Il est bien mentionné pour les deux époux la donation dont je vous ai parlé dans l’article L. Pour les héritiers (autres que le conjoint), ces informations sont reportées dans les colonnes à droite du corps de la page. Ici ce n’est pas le cas mais voici un exemple dans l’acte de succession de Françoise Joséphine CHÉRON, mère d’Alice, dans lequel est mentionné Raoul.

Photo de l’acte de succession de Françoise Joséphine CHÉRON, AD Hauts-de-Seine, 3Q/SCE_195

Revenons maintenant à l’acte de succession. La première partie indique toujours les différents héritiers du défunt, avec leur État civil et leur adresse, ainsi que le lien qui les relie.

Lorsque l’époux est toujours vivant, ici Alfred LE BOUTEILLER, il est précisé s’il a été fait, ou non, un contrat de mariage et si celui-ci prévoit des dispositions en cas de décès. C’est le cas pour Alice comme nous l’avions vu dans l’article M :

« Comme ayant droit en vertu de l’article 9 dudit contrat à un préciput de mille francs en biens meubles ou deniers comptant.« 

L’acte de donation est également mentionné :

« Donataire de la toute propriété de l’universalité des biens meubles et immeubles dépendant de la succession de son épouse, sans exception ni réserve aux termes d’un acte reçu par Me THOMAS notaire à Montrouge le 23 avril 1906, avec stipulation qu’en cas d’existence d’enfants ladite donation aurait pour objet l’usufruit de l’universalité desdits biens et que pour le cas où lesdits enfants viendraient à demander la réduction de cette disposition universelle en usufruit ladite donation serait réduite à la portion disponible la plus large entre époux en toute propriété et en usufruit.« 

Viennent ensuite les autres héritiers, ici le seul enfant d’Alice : Raoul Léon LE BOUTEILLER, mon arrière-grand-père. Puis, s’il y a lieu, l’inventaire après décès est indiqué avec sa date et le nom du notaire l’ayant réalisé (voir article I).

L’acte se poursuit par les reprises et récompenses des époux (y compris du conjoint décédé). La reprise est l’opération par laquelle chaque époux récupère ses biens propres, c’est-à-dire les biens acquis avant le mariage ou pendant le mariage par donation ou succession. Les récompenses regroupent les sommes dues par l’un ou l’autre des époux pour compenser l’enrichissement ou l’appauvrissement de la masse commune ou des biens propres. Pour Alfred, les reprises s’élèvent à 9111,55 francs, il n’y a pas de récompenses et pour Alice, la balance entre les deux est de 13292,65 francs d’excédent.

Une description des biens de la communauté est ensuite donnée. Ici les biens décrits dans l’inventaire après décès, le mobilier et le fonds de commerce de la boucherie, 2500 francs d’argent comptant, les différents loyers versés par avance et créances dues avant le décès d’Alice, pour un total de 21857,85 francs.

On passe enfin à la succession à proprement parler avec le descriptif de l’actif de la communauté. Il comprend les reprises en deniers de la communauté, des biens immobiliers, des actions, obligations, etc… Le tout décrit en fonction du bureau d’enregistrement, ici Sceaux (Hauts-de-Seine), Pantin (Seine-Saint-Denis), Nanteuil-le-Haudouin (Oise), Dammartin (Seine-et-Marne), Senlis (Oise) : 50753,82 francs.

Le passif est composé des dettes à la charge personnelle du défunt, pour Alice : 8311,48 francs.

Photo de l’acte de succession d’Alice Marguerite CHALOT, AD Hauts-de-Seine, 3Q/SCE_165

Au total la succession d’Alice Marguerite CHALOT s’élève à 42442,34 francs, soit 14851,80 francs pour son mari Alfred Victor LE BOUTEILLER et 27587,54 pour son fils Raoul.

Les actes de mutation par décès sont donc de précieuses sources d’informations sur le patrimoine de nos ancêtres et sur de nouvelles pistes de recherches, comme les actes mentionnés à l’intérieur (contrat de mariage, inventaire, donations, etc…) ou les numéros du répertoire général.

Liste des articles de ce challenge.